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Le Père Noël : « Dès 1904, les auteurs de BD m’ont représenté dans leurs planches »

Par Marc Dacier le 24 décembre 2010                      Lien  
EXCLUSIF! En cette période de fêtes, une star mondiale nous a accordé une interview exceptionnelle ! C’est le {{Père Noël}} lui-même qui nous consacre un peu de son temps pourtant très précieux en ce moment, pour parler avec nous des bandes dessinées dont il est le héros !

Ma première question portera sur votre genèse. Où et quand êtes-vous apparu exactement ?

Holà ! Tu commences fort ! C’est un grand mystère que tu me demandes de révéler. Et le mystère fait partie de la magie de Noël.

Vous avez raison. Excusez-moi, Père Noël. Si vous ne voulez pas répondre…

Je peux te donner quelques pistes. Certains m’attribuent une parenté purement chrétienne : je serais un avatar de Saint-Nicolas de Myre, un évêque du IIIe siècle qui était le protecteur des enfants, des veuves et des faibles. D’autres pensent que je suis l’héritier de coutumes encore plus anciennes. En effet, on fête le solstice d’hiver depuis l’Antiquité. Et à cette occasion, le dieu gaulois Gargan portait une hotte remplie de cadeaux qu’il donnait aux enfants. Chez les vikings, un adulte se déguisait en Odin et faisait le tour des habitations du village pour distribuer des gâteaux aux enfants…

Le Père Noël : « Dès 1904, les auteurs de BD m'ont représenté dans leurs planches »
(c) Nast.

Le 25 décembre, les romains fêtaient la renaissance annuelle de la déesse Mithra. Au milieu du IVème siècle, dans le souci de christianiser cette fête païenne, l’église a décidé que cette date deviendrait celle de la naissance du Christ. Quant au mot Noël, il est apparu au début du douzième siècle et est dérivé du mot latin natalis

Je vois que tu es bien renseigné !

Je me suis documenté avant de vous interviewer, Père Noël !

Je complèterai ce que tu disais en rappelant que pour les Chrétiens, la tradition des cadeaux fait référence aux Rois mages. Tu te rappelles que ces rois, Balthazar, Gaspard et Melchior, sont venus de leurs pays lointains pour offrir des présents à l’enfant Jésus ?

Bien sûr !

Eh bien aujourd’hui encore, en Espagne, la tradition veut que les cadeaux soient donnés aux enfants le 6 janvier, jour des « Santos Reyes ». Voilà un pays où j’ai moins de travail qu’ailleurs : les Rois mages me remplacent ! Oh ! Oh ! Oh !

Cher Père Noël, le cheminement qui a conduit à votre représentation contemporaine est plus facile à dater. En 1860, un dessinateur américain d’origine allemande, Thomas Nast, illustre pour le journal new-yorkais Harper’s Illustrated Weekly un poème écrit quarante ans plus tôt par Clement Moore, The night before Christmas, or a visit from Saint-Nicholas.

Oui ! Et Nast est le premier à ne pas me représenter sous la forme d’un Saint-Nicolas un peu austère mais sous celle d’un personnage sympathique, joufflu, barbu… Il m’habille d’un manteau doublé de fourrure : la houppelande, barré d’un large ceinturon de cuir. En 1885, Thomas Nast révèle même que ma résidence est située au Pôle Nord ! Une information confirmée l’année suivante par l’écrivain américain George Webster.

Père Noël, cette interview est l’occasion de démentir une rumeur : celle selon laquelle votre image aurait vu le jour dans les publicités de la firme américaine Coca-Cola.

Oh ! Oh ! Oh ! Tu as raison d’employer le mot de rumeur ! Le peintre qui m’a mis en image à partir de 1931 dans la publicité de Coca avait beaucoup de talent –il s’appelait Haddon Sundblom- mais ce n’est pas lui qui a inventé ma houppelande, ma barbe ou ma bedaine !

(c) R. Briggs

C’est cet illustrateur, Nast…

Oui. Et puis, dès le tout début du XXe siècle, les dessinateurs de bande dessinée avaient commencé à me représenter dans leurs planches. En 1904, j’avais rencontré Buster Brown, le héros de Richard Outcault. Et l’année suivante, Winsor McCay m’avait dessiné en compagnie de son personnage Little Nemo !...

(c) Michael Ploog

L’album de BD qui évoque le plus joliment vos origines est sûrement Santa Claus, la légende du Père Noël de Michael Ploog (Delcourt).

Oui. C’est tiré d’un ouvrage de Frank Baum, connu pour avoir écrit Le magicien d’Oz. Michael Ploog a superbement adapté et illustré ce livre qui raconte comment, de simple mortel, j’ai pu me faire une place parmi les éternels, d’où me vient ma houppelande, pourquoi je distribue des jouets aux enfants, comment mes rennes peuvent voler, quelle est l’origine du sapin décoré… J’aime beaucoup aussi un album intitulé Sacré Père Noël de Raymond Briggs.

Je ne le connais pas, celui-ci….

C’est une BD destinée aux enfants, publiée par Grasset jeunesse… j’y suis représenté comme un célibataire endurci, typiquement anglais ! Un vieux bougon qui n’est pas Père Noël par vocation et ne rêve que de pays ensoleillés ! Oh ! Oh ! Oh !

Mais ce n’est pas très gentil pour vous !

Allons, il faut savoir rire de soi-même !

Vous avez raison, Père Noël ! Et la série de Lewis Trondheim et Thierry Robin, Petit Père Noël (Dupuis), vous l’aimez ?

C’est une BD muette, ce qui permet aux plus jeunes de la comprendre avant même de savoir lire. On y suit mes aventures et celles de mes amis du Pôle Nord… C’est raconté avec beaucoup d’humour

Je voudrais aussi évoquer Catastrophes chez le Père Noël, un album de Frank Le Gall paru chez Delcourt Jeunesse en 1996.

Ah ! Oui. Ce livre raconte le jour où, après que mes lutins aient terminé leur travail, 126 479 commandes de jouets sont arrivées en dernière minute… Je dois avouer que cette fois-là, même si je suis d’un naturel plutôt calme et serein, j’ai failli paniquer ! Au moins autant que cette autre année où je suis tombé malade au moment de devoir entamer ma tournée. J’ai appelé à mon secours le Docteur Poche, le personnage de Marc Wasterlain. Mais l’ogre Grignedin a alors décidé de saboter Noël en distribuant des cadeaux maléfiques aux enfants. On peut lire la suite dans l’album Docteur Poche et le Père Noël, paru chez Casterman…

(c) Bercovici & De Groot

L’intrigue de cet album rappelle celle de L’étrange Noël de M. Jack, le film de Tim Burton et Henry Selick, sorti deux ans auparavant. Avez-vous lu la série Père Noël et fils, lancée chez Glénat en 2006, Père Noël ?

Père Noël et fils ? Oh ! Oh ! Oh ! Et qui sont ces auteurs qui m’ont inventé un fils ?

Le scénariste Bob de Groot et le dessinateur Philippe Bercovici ! Ils racontent dans leurs albums que la tradition familiale veut que, lorsque vous sentez le poids des années devenir trop lourd, vous passiez le flambeau à votre fils. Mais dans cette BD, votre rejeton n’est pas vraiment au point pour assurer votre succession !

Ah ! Ces auteurs de bande dessinée, quels fantaisistes ! Le poids des ans… est-ce que j’ai l’air fatigué, ou trop vieux pour remplir ma tâche le soir de Noël ?

Oh ! Non, Père Noël, pas du tout ! Vous êtes en pleine forme ! Je vous remercie encore une fois infiniment d’avoir accepté de venir parler BD avec nous, et je vous souhaite bon courage pour la nuit de Noël !

Merci, c’était un plaisir ! Joyeux Noël à tous les lecteurs d’Actuabd, petits et grands !

(c) Trondheim & T. Robin
(c) Dupuis

(par Marc Dacier)

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En médaillon : (c) Bercovici & De Groot. (Glénat)

 
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10 Messages :
  • Merci pour l’historique, j’ai appris des choses !

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  • Chouette article.

    Et merci de tordre le cou à cette rumeur selon laquelle "Coca Cola aurait inventé (graphiquement) le Père Noël".
    Elle a la peau dure celle-là.

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    • Répondu le 25 décembre 2010 à  20:11 :

      La "rumeur" me semble-t-il ne porte pas sur l’aspect graphique du personnage, mais sur la COULEUR de ses vêtements...
      Alors, vieux barbu, c’est le coca qui t’as fait virer du vert au rouge ?...

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  • Vous avez oublié de rappeler un excellent dessin de Reiser pour l’affiche de la pièce de théâtre des acteurs du Splendid : "le Père Noël est une ordure". Bien cordialement !

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  • Bonjour. J’ignore où vous vous êtes "documenté", mais sauf erreur, le 25 décembre (ou à peu près) était la fête du Sol invictus — soit "le Soleil invaincu", et non Mithra qui en tout état de cause n’était pas une déesse...

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    • Répondu par Marc Dacier le 25 décembre 2010 à  14:18 :

      Vous avez raison sur un point : Mithra n’est pas une déesse mais bien un dieu. Pardon pour cette erreur. D’origine indo-iranienne, Mithra était vénéré par les romains sous le nom de Sol invictus.

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      • Répondu par Sergio Salma le 25 décembre 2010 à  18:59 :

        Bon, le gros bonhomme rouge ok. Restent quand même encore des flous, mélange de Saint Nicolas, Santa Claus (un peu allemand sur les bords non ?!), ça se passe en Turquie à l’origine, un beau bordel à cause du temps qui passe, il était pas bienfaiteur de son vivant le gars, c’est après de siècles qu’on a décidé tiens lui ce sera le patron des marchands de boudin, non des enfants, oui des enfants. Maintenant, cher Marc Dacier expliquez-nous pourquoi un traîneau volant tiré par des rennes ?

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        • Répondu le 25 décembre 2010 à  22:39 :

          Le traineau et les rennes viennent du poème de Clément Moore, The night before Christmas, illustré par Nast.
          (histoire qui a inspirée le détournement de Tim Burton The nightmare before Xmas, Mr Jack).

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        • Répondu le 26 décembre 2010 à  10:58 :

          Le Santa Claus américain ne vient-il pas du Sint-Niklaas (Sinterklaas) hollandais ? N’est-ce pas la communauté hollandaise de la côte Est des Etats-Unis qui a commencé avec Santa Claus ??

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          • Répondu par Sergio Salma le 26 décembre 2010 à  18:57 :

            ça se tient. Donc en fait, Saint-Nicolas et le Père Noël ne seraient en fait qu’une seule et même personne ? Et c’est marrant aussi que des huguenots qui n’aimaient pas spécialement les saints (s i j’ai bien tout suivi) aient autant mis en avant celui-là. Puis en fait, si le gars d’origine canonisé était turc, il a perdu son look au passage ou bien était-ce un employé de l’église, un expat’ ? On s’y perd un peu. Puis les rennes en Turquie ?!... On retrouve bien avant le fameux poème des bouts de la même idée dans plusieurs littératures. Mix de païen et de religieux...C’est donc juste une synthèse comme les contes de Grimm qui sont un recueil de récits anciens surgis de la nuit des temps comme on dit quand on n’en sait pas plus.

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