Dans la presse BD hexagonale, on pointe une « crise » des prépublications depuis 35 ans, les commentaires exhalant à chaque fois le regret des bons vieux illustrés d’autrefois qui assuraient un chimérique plein-emploi et le statut de salarié à ses collaborateurs. Le basculement vers le déclin aurait vraisemblablement eu lieu en 1974, lorsque Pilote est passé de la formule hebdomadaire à une publication mensuelle.
Un contexte difficile
Mais aujourd’hui, le secteur, selon le rapport annuel 2009 de Gilles Ratier de l’ACBD, n’est pas totalement moribond. Le cadavre bouge encore. On affiche quand même, selon ses chiffres, la présence de 64 revues de publication de bande dessinée en kiosque, dont seulement 14, faut-il le préciser, proposent des créations européennes : ce sont les bandes dessinées américaines (principalement la presse Disney et les comics de Panini) et les mangas qui tiennent le haut du pavé. La France maintient par conséquent, bon an mal an, dans un marché en déclin (la presse a perdu 5% de son audience ces 10 dernières années selon l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias et son Office de la Justification de la Diffusion (OJD)) une clientèle qui s’est érodée de 16% en dix ans et de 4,5% entre 2007 et 2008, avec un peu plus de 40 millions de fascicules vendus en 2008, ce qui montre une accélération notable du déclin ces dernières années.
Il faut dire que le contexte économique de la diffusion-distribution, notamment une réforme du principal distributeur, les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, tarde à venir et calme les ardeurs des opérateurs qui seraient tentés de créer de nouveaux titres de presse.
Disney en pôle position
Le leader de ce marché est Disney avec 140 079 exemplaires par semaine pour Le Journal de Mickey (-6% depuis 2005, chiffre OJD 2008) contre 36 860 ex. par semaine pour son hebdo concurrent Spirou (-19% depuis 2005, OJD 2008).
Derrière Mickey viennent tous les autres titres de Disney Hachette Presse : Super Picsou Géant et Witch qui dépassent les 2 millions d’exemplaires vendus par an, Winnie, et Mickey Parade qui passent allégrement la barre du million.
Pour le reste, Fluide Glacial atteint les 900 000 exemplaires vendus en 2009, Tchô ! : 720 000 exemplaires, suivis de Lanfeust Mag et Psikopat qui se situent juste en dessous des 500 000 vendus par an (chiffres éditeurs d’après Gilles Ratier).
Il faut mentionner la position particulière de Média-Participations qui, avec sa filiale Mediatoon, agit à la manière d’un Syndicate américain de façon quasi monopolistique dans le domaine de la diffusion de la bande dessinée dans la presse quotidienne ou hebdomadaire non spécialisée (par exemple, la presse TV), diffusant non seulement ses propres séries mais aussi les grandes BD américaines comme Garfield. Sa position est comparable à celle d’Opera Mundi dans l’avant-guerre.
Le gratuit domine les revues de critique BD
Le nombre de revues de bédéphilie ne cesse de diminuer et le rapport de Gilles Ratier ne dénombre plus que 10 magazines érudits parmi lesquels L’Avis des Bulles, Hop !, Neuvième Art, titres seulement présents en librairie spécialisée.
Les seules revues présentes en kiosque sont Casemate qui se placerait devant avec un tirage s’élevant à 30 000 exemplaires et dBD au tirage annoncé de 22 000 exemplaires par numéro. Les ventes doivent faire un peu moins de la moitié des chiffres de tirage, si les chiffres (non validés par l’OJD) ne sont pas gonflés. N’oublions pas Animeland qui, s’il laisse une large par à la BD, concerne avant tout l’animation.
Les gratuits ont la cote : Canal BD Magazine, le House Organ des libraires de Canal BD, donc forcément pas très critique, et ses 400 000 exemplaires annuels diffusés, son pendant manga, Manga Mag et ses 200 000 magazines, sont des sources d’informations fiables et de bonne qualité.
Mais c’est surtout ZOO, diffusé en librairies spécialisées, Virgin et Fnac, cafés branchés et littéraires, restaurants, Club Med gym, écoles et universités, bibliothèques et médiathèques, festivals de BD, Leclerc, centres d’affaires et salons VIP d’aéroport et bien sûr par abonnements, dont le dernier numéro a été diffusé (chiffres OJD) à 100 000 exemplaires tous les deux mois (près de 600 000 ex par an), ce qui le porte en leader de la presse de commentaire sur la BD.
Il est probable que la principale raison du déclin de la BD en kiosque vient du développement du secteur de l’album qui est passé de quelques milliers d’euros de chiffre d’affaire en 1960 à environ 462 millions d’euros aujourd’hui, soit 11% du marché du livre (chiffres GfK, mars 2010, base année 2009). Les gamins n’ont plus la patience d’attendre la suite une semaine entière. Ils ont en outre, sous la main, des collections entières de leur personnage favori.
On sait aussi que c’est l’abondance de l’offre en même temps que la modicité de son prix qui ont favorisé le développement ds mangas dans nos contrées. Il n’empêche que si l’on compare les chiffres de vente en kiosque des éditeurs nippons (dont nous publierons les chiffres demain) à ceux de la France, nous constatons que nous sommes dans un autre monde, comme nous vous l’expliquerons dans la suite de cet article.
PRÉCISION DES ÉDITIONS DUPUIS
À la suite de la publication de notre article, M. Frédéric Niffle, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Spirou, nous a demandé de publier la précision suivante :
"La réalité, c’est que le journal Spirou a glissé peu à peu vers l’abonnement (c’est sa spécificité).
La vérité des chiffres est celle-ci : ± 48.000 abonnés + 15.000 exemplaires pour les recueils + 36.860 exemplaires en kiosques = ± 100.000 exemplaires chaque semaine, soit plus de 5 millions d’exemplaires vendus par an".
27/03/2010
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion