Jean-Luc Coudray, 47 ans, c’est 35 livres de récits, nouvelles, bandes dessinées, dont un bon nombre en collaboration avec son frère jumeau Philippe, publiés chez 20 éditeurs, dont certains en sept langues et sept titres publiés au Japon et en Chine populaire. Ce sont des travaux publiés dans Fluide Glacial, Psychopat, Sud-Ouest, La Vie, Capsule Cosmique, etc. ; un prix Alphart en 1990 pour Séjour en Afrique (avec Alain Garrigue, chez Rackham) et récemment, le Prix Lycéen 2007 de la BD d’humour pour Béret et Casquette. Son travail se caractérise par un humour abstrait, poétique et philosophique qui en fait un des meilleurs moralistes de notre temps.
Alors, cette candidature aux législatives, c’est un gag à la Coluche ? Jean-Luc Coudray, qui sait ce que faire de l’humour veut dire, répond gravement : « Les hommes politiques “sérieux” accélèrent un processus de croissance infinie dans un monde fini et programment ainsi notre faillite prochaine. La véritable attitude “sérieuse” consiste à anticiper une décroissance brutale provoquée par le manque de ressources en pétrole, en eau, en matières premières, en organisant une décroissance douce et soutenable. » Nous sommes donc dans un registre militant, voire grinçant, qui ne fait que prolonger le combat du Franquin des Idées noires, ou la verve écologiste d’un Reiser.
Jean-Luc Coudray a néanmoins rejoint un groupement existant, le Parti de la décroissance : « Ce parti vient de personnes qui ont créé la revue “Casseurs de Pub” puis “Décroissance - Le journal de la joie de vivre” raconte notre candidat. Ils ont créé en avril 2006 le Parti pour la Décroissance. J’étais depuis longtemps abonné à Décroissance et Casseurs de Pub, adhérant aussi au RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire). Quand j’ai appris la création du parti, j’ai trouvé enfin un programme qui sortait de la pensée unique du productivisme, et j’y ai adhéré. Je n’en suis pas un membre fondateur. »
Son programme est assez simple : retourner au mode de consommation la France des années 70, avant que la mondialisation n’impose « le déménagement planétaire », qui génère certes des économies et des profits pour les industriels, mais qui ne prend pas en compte le coût écologique de l’opération : « Dans les années 70, théorise Jean-Luc Coudray, l’empreinte écologique de la France était inférieure à une planète. C’était donc tout-à-fait durable. Or, aujourd’hui, elle correspond à trois planètes (si tout le monde vivait comme nous). Cependant, nous ne nous chauffons pas trois fois plus et nous ne mangeons pas trois fois plus. Ce qui augmente la consommation, c’est la multiplication des transports, c’est le “déménagement planétaire”. Quand nous consommons une boîte de sardines, nous en consommons comme trois à cause des transports. Si on revenait vers une économie plus localisée, nous pourrions consommer presque comme maintenant… En réduisant quand même notre consommation de gadgets inutiles… »
On comprend mieux pourquoi ce pourfendeur de l’absurdité et de la bêtise humaine a rejoint et milite pour ce mouvement. Mais que se passera-t-il s’il venait à être élu ? « Je serai pris à mon propre piège, répond Jean-Luc en souriant. Sans doute ferai-je une BD sur la décroissance… »
Jean-Luc Coudray n’est pas la première personnalité de la bande dessinée à se présenter aux élections. Récemment, les Belges Thierry Tinlot (rédacteur en chef de Fluide Glacial) et Bruno Gazzotti (dessinateur de la série Soda chez Dupuis) étaient également candidats sur des listes… écologistes. On peut aussi mentionner l’essayiste Yves Frémion, également élu des Verts. La bande dessinée est-elle soluble dans l’écologie ? Le verdict en juin prochain.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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