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Les Innocents coupables - Par Galandon et Anlor - Editions Bamboo

Par Patrice Gentilhomme le 25 mars 2011                      Lien  
Encore peu de bandes dessinées ont évoqué les colonies pénitentiaires réservées jadis aux jeunes délinquants. Rien d'étonnant à ce que Laurent Galandon s'intéresse à cette autre part d'ombre de notre histoire.

À une époque où l’on ne parlait pas encore de « sauvageons » ou de « racailles », de nombreux adolescents purgeaient déjà de lourdes peines dans des établissements spécialisés... On y pratiquait les travaux des champs pour aider ces jeunes « à retourner dans le droit chemin » ; l’éloignement contribuerait aussi à leur éviter les vices et les tentations de la ville. Les plus connus se situaient à Mettray en Indre et Loire [

En savoir plus :

Colonie pénitentiaire de Mettray

] , dans la prison de Eysses ou encore à Belle île ; leur histoire peu ou mal connue nous est parvenue notamment par les témoignages de l’écrivain Jean Genet ou encore d’Alexis Violet [1].

Les Innocents coupables - Par Galandon et Anlor - Editions Bamboo

Qualifiées de « bagnes pour enfants », ces colonies se prétendaient des lieux de réinsertion par le travail et l’éducation. En service jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, ces « maisons de correction » abritaient toute une population de délinquants mineurs, pour la plupart abandonnés de leur famille et livrés à la cruauté de leurs compagnons d’infortune ou à celle de leurs gardiens. Si l’on excepte le célèbre témoignage de Genet lui aussi pensionnaire à Mettray dans les années 1930, peu de littérature ou de films ont été consacrés à un univers dont l’existence même portait sérieusement ombrage au pays des Droits de l’Homme. Dans ce monde où l’on ne pouvait aller aux toilettes que deux fois par jour, où l’on faisait huit fois la prière, la violence et l’homosexualité contrainte étaient la règle, sans oublier les trafics en tout genre ! Dans ces lieux où les jeux étaient bannis, la mort pouvait sembler négligeable à l’image de ce que l’on connaît des bagnes pour adultes.

Spécialiste des sujets difficiles (ou qui fâchent) Laurent Galandon ne pouvait passer à côté d’un sujet qui rejoint ses préoccupations traditionnelles : contexte historique et saga romanesque, enfance et injustice, petite et grande histoire en interaction.

En suivant l’itinéraire de quatre jeunes pensionnaires de la colonie, les auteurs nous font pénétrer dans un univers où s’affrontent l’amitié, la solidarité, la violence, l’humiliation et l’arbitraire. Ce qui ne constitue pas le moindre des paradoxes pour des instituts à vocation prétendument éducative !

Dans la France de ce début du XXe siècle, les produits d’une société imprégnée de misère sociale et d’injustice que sont Honoré, Miguel, Adrien et Jean se retrouvent à la colonie pénitentiaire (imaginaire) « des Marronniers » avec pour seuls buts de survivre et de s’en évader. Ces pauvres gamins n’ont bien souvent commis que de maigres larcins (vols à l’étalage...) mais vont très vite faire l’apprentissage de la captivité et de ses perversions.

Le projet de Jean est très particulier, le gamin s’est fait emprisonner dans l’unique but de retrouver son frère Germain lui aussi enfermé dans une de ces « maisons » à la suite d’une injustice. Sombres et terribles destins pour des individus à peine sortis de l’enfance et confrontés à la rudesse d’une société implacable avec les plus faibles.

Maniant avec toujours autant d’aisance l’art du portrait et de la chronique historique Laurent Galandon s’attarde plus particulièrement sur l’itinéraire de son jeune héros, cousin du Simon de l’Envolée sauvage ou frère de Dikran du Cahier à fleurs (chez le même éditeur) perdu dans le conflit arménien.

En s’appuyant sur cette trame le scénariste parvient à installer une dimension humaine et tragique au sein d’un récit haletant et parfaitement captivant. Si l’histoire ne dissimule pas un message militant et intelligent cela ne nuit en rien à la fluidité d’une narration bien construite.

Fort bien servi par le graphisme assuré et élégant d’Anlor, jeune dessinatrice qui signe là son premier album, le récit fonctionne particulièrement bien. La sobriété du trait et la qualité de la mise en couleurs contribuent à rendre lisible et attachant cette histoire sans en atténuer le parti-pris humaniste.

Un premier tome très prometteur et un bon point de plus pour une collection (Grand Angle) qui continue à accueillir des récits exigeants et de qualité.

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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