« Leur pouvoir ? Le savoir absolu. » Tel est le pitch de cette série qui commence de façon basique : cinq adolescents frappés d’acouphènes se découvrent un savoir total, inextinguible. Ils savent tout sur tout, et surtout sur vous.
Qui leur dispense cette science ? Une onde spéciale qui, grâce aux vertus du Big Data, leur donne accès à toutes les bases de données du monde, y compris les plus fantaisistes [1] ? Une sorte de dieu omniscient avec lequel ils sont connectés ? Nul ne sait, du moins pour l’instant. Mais il est évident que les autorités, le FBI en particulier, s’intéressent de très près à ces jeunes prodiges pour des raisons de « sécurité nationale » : les gens qui connaissent la vérité sont par définition très dangereux, surtout au pays de « l’agent orange. »
L’auteur des Enfants de la Résistance, Vincent Dugomier, il l’a prouvé, sait faire œuvre de pédagogie et il s’attaque dans ce conte à la Marcel Aymé à une notion intéressante : l’omniscience. Le savoir, comme l’information, n’est pas la connaissance.
On le sait, certes, mais en ces temps de confusion médiatique, on l’oublie parfois, le savoir s’acquiert ; il y a des savoirs concurrents, comme par exemple la théorie darwinienne et la théorie créationniste.
La connaissance, c’est tout autre chose. C’est un vocable qui en appelle à l’esprit critique, à l’intelligence, à la faculté d’appréhender, de relier les données entre elles. Le savoir donc ne mène à rien en particulier, c’est la mise en œuvre de cette science qui lui confère son importance et cela de tous temps. Les savants, au cours de l’histoire, ont pu éprouver l’ambivalence de l’usage de leurs trouvailles et leur dimension toute politique : l’atome, par exemple, peut être utilisé pacifiquement, mais aussi s’avérer la plus épouvantable des armes créées par l’homme.
Alors on en est là dans cette série fraîche et joyeuse, joliment mise en images par la dessinatrice Renata Castellani et enluminé par les couleurs de BenBK. Les auteurs se concentrent sur les personnages et font passer in petto des concepts relativement complexes pour les jeunes gavés de l’information des réseaux sociaux.
Aiguiser l’esprit critique : un enjeu fondamental dans le monde qui vient, pour les jeunes comme pour leurs parents, un enjeu de civilisation. Cette série a-t-elle celle ambition ? Elle serait nécessaire en ces temps de gravité factice.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] On a apprécié la petite allusion à Wikipedia qui l’a bien méritée, celle-là. On imagine que BéDévore, l’ayatollah qui contrôle les entrées sur la BD dans l’encyclopédie en ligne, va se ruer sur la fiche du scénariste pour « informations non sourcées », en se défendant par avance, pauvre Calimero, des niais complotistes qui osent critiquer ses saccages erronés et arbitraires.