« Il n’y a pas de prescription pour la connerie ! » Voilà l’un des aphorismes qui ouvre ce second film mettant en scène nos arrière-grand-papys gâteaux préférés. Oui, "arrière-grand-papys", car la belle Alice enceinte lors du premier film, a entretemps accouché d’une charmante fillette. La vie serait presque belle pour cette jeune femme qui a repris le théâtre du Loup en slip... si le PDG des Laboratoires Garan-Servier ne venait pas de lui retirer tout l’héritage acquis à la fin du premier long métrage !
Et pour en rajouter une couche, voilà Pierrot qui revient au village de Moncœur avec tous les vieux et les émigrés de "Ni Yeux ni Maître." En effet, nos Vieux Fourneaux sont à croquer, mignons, mais attention, ils ne sont pas cons ! Et lorsque les avocats et les autorités débarquent au QG de l’association, Pierrot met tous ses protégés et réfugiés dans le bus de « L’amicale des amis de l’amitié » [sic] et ils quittent Paris pour rejoindre la province.
Alors les vieux, à Moncœur, on connaît... On connaît même trop, car la municipalité doit détenir le record de moyenne d’âge en France. A contrario, les immigrés, on connaît beaucoup moins à Moncœur. Pensez donc ! Ils pourraient voler le motoculteur... Surtout que cet afflux massifs de migrants (au moins, une demi-douzaine) arrive pile au moment où la campagne électorale de Moncœur bat son plein. Le décor est planté, cela va remuer !
Des thématiques drôles et interpelantes
Ne boudons pas notre plaisir : c’est avec beaucoup de bonheur que nous avons profité de ce second long-métrage consacré aux Vieux Fourneaux. Certes, le film manque parfois de dynamisme dans sa réalisation. Mais s’il s’avère au final plutôt drôle et surtout assez émouvant dans la description des mésaventures de nos joyeux Pieds Nickelés et dans les récits intimes et personnels des drames vécus par les migrants.
Car si le premier film traitait de la condition du troisième âge (voire du quatrième...), des vieux comptes à régler et du décalage ressenti avec la jeune génération, le second film ajoute à cette recette, l’ingrédient supplémentaire de la crise migratoire, dans sa dimension humaine et politique, marque de frabrique du scénariste engagé qu’est Wilfrid Lupano.
Un militantisme expliqué de manière simple, avec des personnages touchants. Qu’il s’agisse de ces soixante-huitards déjantés ou de ces migrants qui ressemblent finalement à tout-un-chacun. Ajoutez à cela le thème de l’exode rural et celui certaines personnes qui n’hésitent pas à déclarer leurs seniors séniles pour mieux contrôler leur patrimoine, et vous tiendrez le pitch de ce « Bons pour l’asile ». Sauf que l’asile n’est pas toujours celui qu’on pense, et que le malfaisant n’est pas non plus celui qu’on croit : le migrant qui a traversé la moitié du globe pour sauver sa peau.
Les têtes d’affiche
Côté adaptation, on retrouve quelques éléments du cinquième album, même si Lupano, en scénariste lumineux, a intelligemment été piocher certains ingrédients dans les tomes 2, 3 et 4 pour doper l’ensemble de son intrigue : le biologiste dont Alice pourrait tomber amoureux, la fête du village, la question des émigrés, le lien entre Mimile et Berthe, etc. Sans oublier le sujet des élections et d’autres développements inédits qui permettront même aux fans assidus de la série BD de trouver plein de nouveautés à se mettre sous la dent.
Côté distribution, on retrouve une bonne partie du casting du premier film : Pierre Richard reste tout simplement parfait dans son rôle de contestataire, il tirerait le film presque à lui tout seul, s’il ne bénéficiait pas de condisciples prestigieux qui ont resigné, notamment Eddy Mitchell dans celui de l’ancien dandy bourlingueur et Alice Pol dans celle de Lucienne au grand cœur.
Seul Roland Giraud a laissé sa place à Bernard Le Coq dans le rôle de Pierre. L’ancien restaurateur d’Une Famille formidable joue ici un syndicaliste moins revendicateur, mais plutôt submergé par le nombre d’emmerdes qui lui tombent dessus. Il n’empêche, il devient savoureux lorsqu’il prend la casquette de celui qui emmerde les bourgeois.
Enfin, adressons une mention spéciale à Claire Nadeau qui campe une délicieuse Fanfan, conjuguant avec humour et subtilité entre le jeu de la sénilité et la défense (armée) des nécessiteux. On en redemande !
Moralité : un film à voir en famille, avec ses enfants, mais également avec ses parents et ses grands-parents. Car la prestation des acteurs reste savoureuse, et le sujet toujours d’une brûlante actualité. Si en plus, on passe un bon moment avec des personnages hauts en couleurs, que demander de plus ? (Ah si : un troisième opus !)
(par Charles-Louis Detournay)
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Les Vieux Fourneaux 2, Bon pour l’asile ! – un film de Christophe Duthuron, sortie en salle le 17 août 2022.
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Crédit : © 2021 Radar Films - Egérie Productions - France 3 Cinéma - Orange Studio
Photos : Marie-Camille Orlando
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