Par une nuit calme, au cimetière des animaux de compagnie, une patte velue surgit d’une tombe, celle de Puppy. La créature revenue à la vie, après s’être débarrassée de son ancienne enveloppe charnelle, laisse apparaître une silhouette gracile et frétillante. Et le voilà errant dans ce décor insolite, composé de dalles ornées d’offrandes, de mausolées et de monuments à l’effigie de ses congénères.
Puppy s’y arrête et observe, comme intrigué par ce qu’il voit. Et il commence à se souvenir de sa vie d’avant. Alors les instincts reviennent et le voilà qui s’agite dans tout les sens, plus vivant que jamais. Ses pérégrinations le mèneront jusqu’au delà des frontières du cimetière, dans un monde qui tient plus du vestige que de la réalité.
Luz a renoncé au dessin politique pour poursuivre sa carrière de bédéiste et nous offre une histoire envoutante à l’expressivité intense. Ici, les mots sont inutiles tant le trait, vif et vibrant, suffit à transmettre la moindre émotion. La poésie est là aussi, à travers ces aplats de noir constellés de dentelles blanches figurant la neige devant laquelle notre bestiole s’émerveille, ou encore, avec cette lune qui par l’action d’une branche d’arbre malicieuse prend les traits d’un chat.
Si la mort est omniprésente, elle n’est pas forcément synonyme de désespoir mais peut-être considérée comme un accomplissement. Le corps de Puppy ne cesse de se désintégrer : quand ce n’est pas la truffe qui s’échappe, c’est la tête ou la queue qui prennent la large. Mais au final, chaque chose reprend sa place, et la boucle peut être bouclée. Bien sûr, la légèreté que l’on ressent devant les facéties de Puppy ne permettent pas d’occulter complètement ce qui s’apparente à une fatalité lugubre. Comme ces humains sans corps, ni identité qui hantent la ville, ou ces espaces paradoxalement plus oppressants qu’un cimetière.
L’album s’achève sur deux planches reportage évoquant le cimetière des animaux d’Asnières que Luz avait à l’origine dessiné pour Libération. Une façon de faire comprendre au lecteur où se déroule son histoire et lui insuffler une part de vérité. On découvre alors cette tombe avec les balles de tennis reprise par Luz pour y inscrire le nom de Charlie.
On se laisse entrainer dans l’aventure quasi onirique de ce petit chien, qui n’est pas sans rappeler Frankenweenie de Tim Burton. Le tout est servi par un style graphique vigoureux et éloquent ainsi qu’une mise en page maitrisée.
(par Tahani Biernat)
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