Philippe Pellet n’est pas un bleu dans le métier et son dessin a une « patte » reconnaissable. Dessinateur des neuf premiers tomes de la série Les Forêts d’Opale (entre autres), son ancien comparse Christohe Arleston lui ouvre ici les portes de Drakoo pour développer une histoire, seul au scénario comme au dessin, un récit qui a longuement mûri.
Sheïd est l’archétype du baroudeur chevronné. Entre un James Bond et un Han Solo, avec un petit côté Conan, c’est un homme qui inspire le respect. Il erre entre sales boulots et grosses magouilles en espérant décrocher le jackpot qui lui permettra de s’assurer une retraite tranquille. Le rêve de tout baroudeur qui n’est pas un assassin invétéré en somme.
De retour de mission, son commanditaire Mhaus lui propose le coup du siècle, qui devrait lui permettre de se retirer des affaires. On sent le coup fourré à des kilomètres mais Sheïd accepte et tout aurait (presque) pu bien se passer si le fils jaloux de Mhaus ne s’en était pas mêlé et si une gamine apeurée ne se retrouvait pas dans ses pattes. Voilà le grand gaillard solitaire dans la peau d’une baby-sitter musclée. On se doute que cela va ébranler ses convictions et sa façon de voir sa propre vie. On espère même qu’il sorte grandi de son aventure .
Philippe Pellet parsème son histoire de détails personnels comme le nom même de la ville où se situe l’intrigue, inspiré du cirque de Mafate, formation géologique célèbre de l’île de la Réunion pour son cœur difficilement atteignable. Or, l’auteur est justement né sur cette île.
Au-delà d’une intrigue, pour le moment classique, qui se met en place, les dessins et le découpage sont à couper le souffle. L’auteur a de l’expérience, ça se sent, et il s’amuse dans ses perspectives et ses dessins pleine page. Fourmillant de détails, les planches sont magnifiques. Saluons le travail de mise en couleur de Tanja Wenish, mise au défi de sublimer des ambiances écrasées de chaleur sous un soleil implacable.
Un album qui mérite d’être découvert, ne serait-ce que pour sa beauté graphique et pour son univers chaud et oppressant, avant un nouveau tome qu’on devine plus aérien.
(par Jérôme BLACHON)
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