On se souvient de la collection « Saint-tin et son ami Lou » publiée par Le Léopard masqué, une société spécialisée dans le roman d’humour parodique dont les titres très « San-Antonionesque » étaient plus drolatiques les uns que les autres. Au tableau de chasse du parodiste, Harry Potter (C’est pas sorcier, Harry !), Disney (Les 101 Politichiens), Baudelaire (Les Parasites artificiels), etc.
C’est surtout sur la parodie de Tintin que l’éditeur s’était défoulé. De courts romans humoristiques démarquant les aventures du célèbre reporter à la houppe furent publiés à cadence soutenue : La Lotus bleue, Le Vol des 714 porcinets, Le Crado pince fort, Le Secret d’Eulalie Corn, L’Oreille qui sait, L’Ire noire, Les Pies jouent de la castagnette, Saint-Tin au Gibet, etc.
La réaction de Moulinsart ne s’est pas faite attendre et, comme nous vous l’avions raconté, l’éditeur de « Saint-Tin » se retrouva traîné devant le tribunal. En l’état de la loi, nous avions l’impression que le Léopard, une fois démasqué, serait vraiment une espèce en voie de disparition. "L’Affaire tourne au sale" aurait dit Saint-Tin.
Un premier jugement du Tribunal de Première Instance d’Evry intervenu le 9 juillet 2009 après une plaidoirie ardue confirmait nos appréhensions : Moulinsart gagnait son procès et réclamait au contrevenant 40.000 euros de dommages et intérêts plus 5.000 euros de frais d’avocats au titre de l’article 700. Cela faisait cher le sourire.
Dans le débat juridique, dont nous vous avons expliqué les enjeux, le jugement acceptait le droit de parodie mais considérait qu’en substance, il y avait ici une forme de « parasitisme » qui faisait que Le Léopard masqué profitait peu ou prou du succès de Tintin. Le Tribunal suivit cette voie dans l’interprétation de la loi.
Le Léopard Masqué interjeta appel, tandis qu’un commandement à payer lui était adressé le 15 mars 2010. L’éditeur ne se laissa pas démonter en dépit des interventions des avocats de Moulinsart auprès des diffuseurs et des librairies : les ouvrages furent vendus dans des salons et sur le site Internet de l’éditeur. Advienne que pourra.
La parodie n’est pas du parasitisme
La décision de la Cour d’Appel de Paris vient de tomber. L’éditeur nous fait savoir qu’il a gagné son procès contre Moulinsart : « La parodie est confirmée comme à la Première Instance. C’est surtout la notion de parasitisme qui tombe..., notion contradictoire avec celle de parodie. Les canons de la parodie sont en l’espèce observés : distanciation avec l’œuvre (roman), œuvre célèbre donc confusion impossible, titres et couvertures railleuses et humoristiques... Textes inventifs avec une création originale. Le référent n’est pas dénigré. Commettre des actes parasitaires en communiquant sur la parodie de Tintin n’est pas recevable puisque cela reviendrait à dire qu’on pourrait parodier une œuvre mais qu’on ne pourrait pas communiquer sur le produit qui en résulte. »
En conséquence de quoi, le Tribunal renversa la décision de la Première Instance.
Maintenant, Moulinsart peut toujours se pourvoir en Cassation. Mais cette Cour ne peut juger que sur la forme du jugement, pas sur le fond de l’affaire. « Tout est possible », nous dit Gordon Zola qui constate cependant que quand il perd contre Moulinsart, on lui réclame 57.000 euros de Dommages & intérêts, tandis que lorsqu’il gagne le procès, c’est seulement 22.000 euros qui peuvent lui être alloués…
Une victoire sur toute la ligne permettrait une multiplication de parodies de Tintin, qui ne manquent déjà pas, si l’on en juge la grande exposition, Parodies : la bande dessinée au second degré » qui nous est montrée encore en ce moment à Angoulême.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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