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Jean-Louis Janssens & Guilhem : "Zarla lorgne parfois vers Tex Avery"

Par Charles-Louis Detournay le 2 septembre 2008                      Lien  
À l'occasion de la sortie du deuxième tome de Zarla, une série d'héroïc-fantasy qui met en scène une petite fille naïve tentant de retrouver ses parents tout en croyant accomplir de hauts faits d'armes, ses auteurs nous livrent les différentes clés de lecture pour percer à jour les secrets de ce monde mystérieux et à la fois si proche de nous.

En lisant Zarla, on remarque une montée en puissance graduelle. Avez-vous voulu ménager le lecteur, à contrario de ce qui avait été réalisé pour Karma ?

Jean-Louis Janssens : Pas spécifiquement, je voulais d’abord bien installer le cadre avant d’entrer dans la trame même du récit, tout en donnant une place plus importante à l’humour. Les premières saynètes du premier tome sont vraiment une ‘exposition’ au sens premier, tout en expliquant le principe du chien à l’apparence débonnaire, mais qui la protège à son insu.

On sent également une inspiration très Tex Avery dans le cadrage et le séquençage des moments d’action …

Jean-Louis Janssens & Guilhem : "Zarla lorgne parfois vers Tex Avery"
La couverture du premier tome présentait le Dragon Bull et le Bull Guerrier !

JLJ : Totalement ! La transformation du chien, dans son dos, ainsi que le mouvement des personnages est très fortement inspiré de ce type de dessin animé. On y retrouve aussi le côté sado-maso de Tex Avery, car le chien doit anticiper, et se démener pour trouver comment la protéger sans se trahir. Guilhem parvient alors à très bien marier ces codes humoristiques avec un dessin plus réaliste.

Guilhem : j’ai effectivement beaucoup travaillé mes expressions, mon dynamisme, mes cadrages et mes enchaînements de plan, mais je n’avais pas directement pensé à Tex Avery, mais cette reconnaissance me va droit au cœur (rires) ! Je joue beaucoup sur les différents types de dessin, pouvant dessiner une planche très réaliste tout en dégageant une chute plus humoristique, en faisant par exemple sauter le chapeau du personnage. C’est un mariage qui n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, mais qui apporte beaucoup à la série.

On a parfois de la peine pour ce pauvre chien, qui n’est finalement pas très bien traité par Zarla ?

JLJ : En réalité, elle a beaucoup d’amour pour lui, et veut le protéger car elle ne le voit en lui que le compagnon, déjà fort âgé, et qu’elle doit absolument défendre, elle, la guerrière impitoyable. Je voulais jouer sur cette double sensibilité.

On connaît le soin que vous apportez à la construction de vos scénarios, et aux différents degrés de lecture. On perçoit dans Zarla, l’éclatement de la cellule familiale …

JLJ : Tout-à-fait, j’aurais été incapable de traiter le sujet dans son aspect réaliste et contemporain, et c’est pourquoi je le transpose dans un milieu imaginaire. Les parents de Zarla auraient pu être ouvriers ou employés, mais j’en ai fait des chasseurs de dragons. Pourtant, ce sont les mêmes problèmes intemporels qu’ils traversent. J’aborde aussi le thème du secret, car beaucoup de familles renferment des aspects cachés, inavoués, dont on ne préfère pas parler. On va également faire apparaître un lien entre la magie et l’écologie. Le nouveau peuple (les humains) vont entraîner, par leur exploitation à outrance, la disparition de l’ancien peuple (géants, dragons, nains). La mère de Zarla possède le pouvoir d’immobiliser les créatures vivantes, mais on s’aperçoit que celui diminue en même temps que celui de l’ancien peuple. D’où l’allusion aux richesses de la nature qui disparaissent en même temps que celle-ci.

Et quel est l’historique du père de Zarla ?

JLJ : Un dragon blanc, sage et très puissant, l’a blessé dans un combat, et comme le capitaine Achab, il est obsédé par son démon blanc et tente de le retrouver afin de prendre sa revanche. À la fin du troisième tome qui conclura le premier cycle, la cellule familiale sera ressoudée, mais les deux parents de Zarla sont trop marqués par leur passé et leur mission personnelle pour se remettre ensemble. Notre petite héroïne rejoindra donc le château de son grand-père et sa nourrice pour se relancer dans de nouvelles aventures.

Je suppose que Zarla a des prédispositions à posséder également un pouvoir ?

JLJ : Effectivement, mais lorsqu’elle en prendra conscience, elle ne pourra pas complètement le dominer, car cela casserait le moteur de la série, à savoir le couple Zarla-Hydromel. Elle doit demeurer petite et hyper-naïve pour que l’histoire garde son sens. D’ailleurs, comme son grand-père qui est assez cynique, elle ne rend pas du compte qu’il existe des privilégiés sociaux et des sous-castes, des serfs, qui vivent assez précairement. Cela renforce le côté "Tous publics" de la série : on peut la lire au premier degré et s’amuser des péripéties de Zarla et des acrobaties d’Hydromel, tout en goûtant un humour plus sombre et en découvrant les ambitions cachées de ce monde semi-merveilleux qui entame un tournant fondamental dans son évolution.

A l’image de leur bivalent héros canin, les deux auteurs de Zarla se complètent : le déluré Jean-Louis Jansses et le méticuleux Guilhem

Et comment avez-vous été amené à travailler ensemble ?

G : Benoît Fripiat m’a contacté en m’envoyant les premières pages du scénario de Jean-Louis, et j’ai tout de suite été séduit par les valeurs et l’univers présentés. Pourtant, je ne suis pas spécifiquement fan d’héroïc-fantasy, mais derrière le décorum, je me suis de suite attaché aux personnages, et j’ai perçu en filigrane le thème actuel de la séparation des parents, qui n’est pas beaucoup traité dans la BD actuelle.

JLJ : Si j’avais imaginé la série dans un univers très humoristique, plutôt Astérix et Obélix. La première ébauche fut plus réaliste, mais cela renforçait la crédibilité de l’histoire, et nous avons été convaincus.

G : Je voulais que l’univers soit travaillé et dense. Je voulais faire évoluer mon dessin, améliorer mes anatomies, jouer sur les contrastes ombres-lumières.

À quelle vitesse dessinez-vous ?

G : C’est mon petit problème : je ne suis pas très rapide, trois pages par mois. Il faudrait que j’arrive à quatre pour tenir un bon rythme, mais je pense que la qualité du dessin primera toujours sur les délais d’édition. Une fois l’album sorti, on a tendance à vite oublier les petits soucis de retard. Par contre, s’il présente des pages bâclées, elles resteront toujours et plomberont le succès de la série auprès du public. J’ai une vision à plus long terme.

Planche du troisième tome, l’Enfant Piège, à paraître

Vous aviez bénéficié d’une très belle couverture pour le premier tome ?

G : L’éditeur avait misé beaucoup en dotant cet album d’un aspect fort original. Plus qu’un hologramme, c’est véritablement le pitch de la série en une double image : le chien qui se transforme, pour protéger une petite frêle petite fille qui n’a pas peur de hordes guerrières. Malheureusement, cela ne fonctionne que si on met l’album à la verticale ou sur un présentoir. Je sais que les libraires ont beaucoup de nouveautés à placer, mais en mettant cet album directement dans les étagères, ils perdaient tout l’atout, le potentiel ajouté par l’éditeur. L’important est que dans les endroits où l’album est bien mis en place, les lecteurs s’arrêtent, l’ouvrent et repartent souvent avec, visiblement contents !

Quels sont vos futurs projets ?

G : Le troisième tome de Zarla, bien sûr, afin que le lecteur ne doive plus trop patienter pour savoir comment notre petite guerrière va retrouver ses parents !

JLJ : De mon côté, j’aborde l’humour ado-adulte avec Julien/CDM [1], au Lombard, Cette bande iconoclaste s’intitulera Planet Ranger, et mettra en scène l’écolo le plus crétin de la planète ! Sortie prévue en juin 2009. Également une série de gags avec Ers chez Vents d’Ouest : Beauté Fatale, développant bien entendu la beauté
comme sujet central. Je vais aussi lancer Livraison Express, une autre série de gags chez Bamboo, avec Krings.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Les illustrations sont © Guilhem/Janssens/Dupuis.
Photo : © CL Detournay.

[1à qui on doit le délirant Cosmik Roger, chez Fluide Glacial.

 
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