L’universitaire Paul Buhle et le dessinateur Noah Van Sciver font revivre le botaniste américain Johnny Appleseed, racontant sa vie et sa légende, rappelant ses influences, le replaçant dans le contexte de son époque et montrant sa postérité.
Qui est Johnny Appleseed ? De son vrai nom John Chapman, né dans le Massachussets en 1774 et décédé en 1845 dans l’Indiana, il est connu comme botaniste et pépiniériste. S’il agit également comme pionnier et missionnaire au moment où le mythe de la Frontière se construisait aux États-Unis, il doit son surnom « Appleseed » (pépin de pomme) au fait qu’il a planté de nombreux pommiers dans l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois.
Il est rapidement entré au panthéon des héros américains grâce à sa réputation d’homme intègre, proche de la nature, profondément croyant et humaniste. Il passe ainsi pour être l’un des premiers écologistes de l’histoire, ne se nourrissant que de ce que la nature voulait bien lui offrir, refusant toute violence et échangeant aussi bien avec les Amérindiens qu’avec les colons prônant un retour aux sources du christianisme.
Même si certains épisodes de sa vie sont largement légendaires, son parcours a le mérite de mettre en lumière une Amérique méconnue, féministe et socialiste avant même que ces notions soient inventées, attentive à l’environnement et entretenant un mysticisme qui paraît aujourd’hui étrange. Johnny Applessed a d’ailleurs eu des successeurs tout au long des XIXe et XXe siècles, des hobos aux hippies.
C’est son histoire, réelle ou mythique, que nous racontent Paul Buhle, maître de conférences à la Brown University, dans l’État du Rhode Island, et Noah Van Sciver, dessinateur de la génération montante de la bande dessinée alternative américaine. Procédant par épisodes et digressions, ils présentent le personnage, ses idées et ce qu’il aurait accompli.
Ce faisant, ils brossent le portrait d’une constellation de penseurs, à mi-chemin entre philosophie et spiritualité, qui ont contribué à construire l’Amérique contemporaine, même si ce ne sont certes pas leurs pensées qui sont actuellement dominantes.
Rien de palpitant dans Johnny Appleseed, mais un ensemble d’anecdotes et d’explications mises en image par un dessinateur que l’on sent joueur - il semble s’être portraituré dans quelques cases de l’ouvrage - et captivé par son sujet. Noah Van Sciver, par son trait dense et foisonnant, par ses compositions simples mais amples, parvient en effet à rendre hommage à cette nature tant aimée par John Chapman.
Si l’on regrette une maquette ne mettant pas suffisamment en valeur le dessin, deux ou trois erreurs de transcription dans les dates et une introduction un peu courte, l’ouvrage a le mérite de faire connaître un personnage quasiment inconnu en Europe et de faire découvrir un livre qui est un jalon de la carrière d’un dessinateur dont nous reparlerons dans les années à venir.
FH
Johnny Appleseed - Par Paul Buhle & Noah Van Sciver - Revival - édition originale : Johnny Appleseed, Fantagraphics Books, 2017 - traduction de l’anglais (États-Unis) & lettrage par Nicolas Bertrand - 21 x 28 cm - 112 pages en noir & blanc - couverture cartonnée - ISBN 979-10-96119-26-4 - parution le 25 septembre 2019.
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