Trois soldats afro-américains se morfondent au milieu des troupes de réserve, après le débarquement de juin 1944. Ils voudraient combattre, prouver leur valeur face à l’ennemi, mais ils n’obtiennent aucune considération. Jusqu’au jour où un lieutenant à lunettes a besoin d’eux pour récupérer un des premiers drapeaux américains, datant de l’époque de l’indépendance, en 1776.
Motivés par une très grande ambition, à la fois narrative et historique, les auteurs ont incontestablement fourni un travail colossal. Pourtant on reste un peu entre deux. Sur le fond d’abord : évoquer à la fois le sort des Noirs sur plusieurs générations et la fin de la guerre 1939-45 c’est un peu trop ambitieux. Et puis revenir en un trop long flash-back au dix-huitième siècle, était-ce vraiment nécessaire ? Sur la forme, le dessin -souvent admirable-de Cuzor est limité par ce choix artistique contestable : la quasi monochromie (du noir et blanc tout juste nappé d’un ton uniforme, qui change d’un décor à l’autre). On peut comprendre que Sente ait souhaité un grain nous plongeant dans le passé, avec une sorte de voile délavé adapté à des situations lourdes (guerre, ségrégation, violence sociale). Mais les détails de Cuzor y perdent.
Cinq branches de coton noir n’a pourtant rien d’un album mineur. Il permet de revoir des périodes historiques importantes, de souligner la situation des afro-américains dans les années 1940 [1] et de rappeler des faits importants de la libération de l’Europe : des épisodes de contre-attaques allemandes meurtriers pour les alliés, ou encore le bombardement de villes françaises en voulant toucher l’occupant [2].
Au-delà de ces postulats plutôt ambitieux, Sente et Cuzor ont aussi voulu présenter un récit d’aventure, -voire un survival pour le dernier épisode- avec grandes gueules au vocabulaire poétique et scènes de combat de haute voltige.
Avec en prime, des "cameos" venus du cinéma, certains personnages revêtant les traits de Denzel Washington, Jeanne Moreau ou Robert Ryan. C’est ce sentiment d’un peu trop qui relativise la réussite d’un tel album, qui reste, il faut le redire, impressionnant de maîtrise.
(par David TAUGIS)
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