Suite au divorce de ses parents et à la maladie de sa mère, Wataru un jeune Tokyoïte vient vivre chez ses grands-parents. Avec cette nouvelle vie à la campagne le jeune garçon découvre une nouvelle école, un nouvel environnement plus proche des plantes et des animaux.
L’accueil des autres enfants du village ne semble guère bienveillant. Lorsqu’ils le mettent au défi de grimper au plus haut d’un arbre de la forêt, Wataru a la sensation d’une communication particulière avec le végétal. La nature, particulièrement luxuriante ne tarde pas à entamer une forme de dialogue avec le garçon, semblant lui procurer une force presque surnaturelle. Est-ce la cause de ce courage intérieur qui l’envahit peu à peu ? D’étranges murmures parviennent à son esprit... Loin des hommes et de sa famille, cet échange ne risque-t-il pas d’ailleurs d’aller jusqu’aux limites du naturel et du merveilleux ?
Derrière le parcours initiatique du jeune garçon, on devine assez vite la métaphore. Au seuil de l’âge adulte, l’enfant encore suffisamment proche de la nature reste seul capable « d’entendre », de ressentir les vibrations intimes du monde végétal, d’un univers à la fois proche et invisible. Le monde des hommes, à l’image du Japon moderne s’est, lui, complètement coupé de la nature. Grandir reviendrait donc, selon le vieux Mangaka à devenir sourd, insensible à ces pulsions premières et originelles.
Dans sa dernière œuvre, Taniguchi reprend donc des thèmes qui lui sont chers et qui ont jalonné son parcours artistique : l’enfance, (l’action se déroule dans sa région natale), la contemplation, la recherche d’une harmonie avec la nature.
Initialement prévu en cinq tomes, l’ouvrage jette un pont entre les traditions du manga et la bande dessinée européenne, tant par la construction du récit que par le recours à une mise en page synthétisant les apports des deux cultures narratives. L’action et le rythme de la narration comme souvent chez cet auteur, apparaissent comme dictés par le rythme naturel. À lui seul, le titre de l’album vient souligner ce rapport au temps si singulier et si caractéristique de l’œuvre du dessinateur.
Le choix de la publication au format italien, l’apport de la couleur, le complément d’un généreux cahier graphique commenté par Corinne Quentin [1] et Motoyuki Oda [2] , rien n’est laissé au hasard pour séduire, s’il en était encore besoin, le lecteur occidental. L’ensemble de l’ouvrage compose un bel écrin pour un dernier adieu au plus européen des mangakas.
(par Patrice Gentilhomme)
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[1] traductrice et agent de Jiro Taniguchi pour la France
[2] Éditeur japonnais, familier du célèbre Mangaka