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Pornographie d’une ville - Lettres au maire de V. volume 3 - Alex Barbier - Frémok

Par François Peneaud le 13 juin 2006                      Lien  
La ville de V. a bien de la chance: depuis plusieurs années, Alex Barbier chronique les moeurs de ses citoyens, et en peint un portrait taché de sperme et de sang, qu'il achève avec ce troisième volume.

Dans le 1er volume paru en 1998 aux éditions Fréon, Alex Barbier nous faisait découvrir certains aspects du quotidien de la ville de V. par l’intermédiaire de lettres envoyées au maire de la localité. Ces courtes missives dénonçaient les méfaits d’un loup-garou qui s’attaquait aux jeunes gens, pour n’en laisser que la carcasse fumante et à moitié dévorée - mais seulement après avoir goûté au plaisir en leur compagnie.
L’auteur mettait alors en place un réseau de mensonges, de non-dits et de révélations douteuses qui donnaient tout son intérêt à ce récit en mosaïque : qui est le loup-garou, qui écrit ces lettres, qui est ce maire qui les lit ?

Dans le deuxième tome arrivait un vampire qui se mettait à faire des petits, et le maire se trouvait encore plus submergé de lettres au contenu assassin. Le jeu de miroirs se complexifiait, pour atteindre une résolution assez inattendue et proprement hilarante.

Pornographie d'une ville - Lettres au maire de V. volume 3 - Alex Barbier - Frémok

Dans ce troisième et dernier volume, un jeune adolescent relate ses aventures sexuelles avec ses camarades, en faisant preuve d’une distanciation qui apporte à ces relations semble-t-il non-consentantes un humour noir certain. Comme à l’habitude chez Barbier, les choses sont plus complexes qu’elles n’en ont l’air, et les liens entre le garçon et les protagonistes des précédents volumes fait prendre à ce cycle une allure de saga familiale à la sauce ketchup.

Bien sûr, l’attrait des albums d’Alex Barbier ne se limite aux thèmes abordés et à leur traitement : il vient aussi de ses superbes peintures aux encres colorées [1], dont les chaudes ambiances donnent un parfum vénéneux et décadent aux courts textes qui les accompagnent.

La narration de Barbier est aussi figée qu’efficace : deux grandes cases par page, et quelques lignes tirées des lettres en bas de chaque case. On est donc ici à la limite de la bande dessinée, et pourtant, le procédé narratif, pour simpliste qu’il paraisse, permet une mise à plat, une régularité qui fait mettre sur le même plan les aspects sexuels, fantastiques, les portraits, les paysages, tout ce petit monde qui s’agite de tous ses membres.

La peinture d’Alex Barbier est une peinture réaliste, au sens où elle représente la réalité, à travers un filtre grâce auquel la sensualité de la chair prend toute son importance, chair vivante, chair déchiquetée, mais chair toujours.

Les renversements de point de vue, les relations de dominations où l’esclave n’est pas celui qu’on croit, le déchaînement des passions, violentes ou tendres, tout cela fait de l’œuvre d’Alex Barbier une transgression de l’ordre établi, de l’ordre social ou sexuel, une insoumission à l’uniformisation esthétique et morale, une chanson de gestes qui pourraient paraître obscènes mais qui sont avant tout beaux.

(par François Peneaud)

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Code EAN :

- L’éditeur propose un extrait de 10 pages de l’album sur son site.
- Voir notre article sur l’album d’entretien avec Alex Barbier, qui paraît simultanément.
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[1Le fabricant d’un solvant utilisé par Barbier ayant cessé son activité, l’auteur se voit contraint de changer de technique, et ce volume inclus des planches peintes à l’huile.

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