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Albert Algoud et le manga : « J’assume d’avoir un œil néophyte dans ce domaine »

Par Florian Rubis le 22 mars 2009                      Lien  
Albert Algoud s’est pris d’une passion récente pour la bande dessinée japonaise. Le « maître de cérémonie » des manifestations et conférences organisées sur le thème du manga au Salon du Livre de Paris 2009 y accueille {{Atsushi Ohkubo}} ({Soul Eater}). Il nous explique les raisons de son engouement…

Vous animez depuis deux ans, cette année en compagnie de Guillaume Pahlawan, l’Escale BD/Manga du Salon du Livre de Paris ?

Deux ans en effet ! Deuxième anniversaire. J’espère que je vais être meilleur que l’année dernière, où je tâtonnais. Mais, bon, j’ai appris beaucoup l’année dernière et j’espère que je vais encore progresser !… Non, mais c’est extrêmement agréable à faire et on rencontre des gens très différents : des éditeurs différents, un public différent, des auteurs. Cette année, c’est Atsushi Ohkubo, le mangaka de Soul Eater (Kurokawa). C’est mieux organisé cette année puisque le manga et la BD sont à égalité. Dans tous les cas, c’est de la BD et la BD a intérêt à « voir » l’importance du manga. Donc, c’est bien. Je suis content !

Quand et comment avez-vous découvert le manga et sa diversité ?

J’ai découvert les mangas il y a quelques années : Tezuka, Hirata ou la série Naruto. Un peu par intérêt indirect, parce que des copains de ma fille en lisaient. Mais je ne me rendais pas compte de la richesse inouïe du manga… Bon, de ses faiblesses aussi. Cependant, je pense que la créativité, l’invention, l’inventivité en bande dessinée aujourd’hui, elle est en grande partie dans le manga. Les Européens, les Franco-Belges feraient bien de s’y intéresser davantage. Car c’est un… Comment dire ?… C’est un domaine extrêmement prolixe et extraordinairement riche. Où il y a beaucoup de renouvellement. Filles et garçons ne sont quand même pas à égalité. On ne peut pas dire qu’il y a une parité. Mais ils sont considérés comme des lecteurs à part entière. Il y a le shôjo, bien sûr, et le shônen. Mais, de plus en plus, pour le manga, comme c’est le cas dans les mangas d’Atsushi Ohkubo, le public est aussi bien un public de filles que de garçons. Alors que dans le franco-belge, il y a encore une trop grande césure entre les deux publics, les deux lectorats.

Albert Algoud et le manga : « J'assume d'avoir un œil néophyte dans ce domaine »
Albert Algoud avec Atsushi Ohkubo

Vous semblez assumer le fait d’avoir un œil relativement néophyte sur le manga. Est-ce que vous l’êtes tant que cela ?

J’assume d’avoir un œil néophyte dans ce domaine. Parce que je crois que cela autorise l’enthousiasme ! Ou, du moins, cela va de pair avec l’enthousiasme. Je suis enthousiaste de découvrir tant de richesse. Des auteurs. Bon, Tezuka, je n’en connaissais qu’une petite partie. Nous venons de faire une rencontre-débat autour de ce créateur immense qu’était Tezuka. Je découvre des choses. Des amis de l’édition de mangas, comme Sébastien Agogué chez Tonkam, Grégoire Hellot chez Kurokawa ou Pierre Valls chez Pika, m’ouvrent des portes. Je me rends compte qu’il n’y a pas d’âge pour s’émerveiller !

Quand on aime la bande dessinée, comment peut-on ignorer le manga ? Ou rester sur les préjugés qui étaient les miens quelques années en arrière et qui sont encore ceux de trop de mes camarades. On a des préjugés et on ne cherche pas à les combattre. On a des idées arrêtées : dans les mangas, ils ont tous de gros yeux ou c’est violent. Comme si la BD mondiale et planétaire n’était pas violente ! Et pour les gros yeux, on pourrait objecter que dans la BD occidentale, ils ont tous de gros nez ! Donc, il faut aller au-delà des préjugés et des idées toutes faites et découvrir une richesse d’invention. Beaucoup d’audace ! Je trouve que dans le manga, il y a de l’audace ! De l’humour très souvent lié à de l’audace : les gens audacieux sont souvent drôles ! Évidemment, puisqu’ils transgressent les normes. Donc, ils s’en rient, ils s’en défient…

Atsushi Ohkubo avec des fans cosplayers

On vous a connu comme spécialiste du franco-belge, avec des ouvrages sur Tintin et Hergé. Quelles différences y voyez-vous avec le manga ?

La différence entre le franco-belge et le manga ? Si vous voulez, la BD franco-belge, elle serait la BD pour tout public et le manga une BD pour des publics ciblés. Je veux dire que Tintin, Spirou et puis tous les successeurs sont des BD de 7 à 77 ans. Bon, je résume. C’est un peu grossier de résumer comme ça !

Maître Shinigami s’invite à la séance de dédicaces !

Tandis qu’au Japon, c’est très différent. Il y a des mangas pour les amateurs de base-ball, qui est très populaire là-bas, pour les amateurs de boxe, des mangas sur la magie, sur le bizutage au collège, etc. Parfois, les genres se mélangent.
Mais le manga est plus fragmenté. Et puis, ensuite, un plus vaste public y accède.
C’est la grande différence. La grande différence, elle se situe aussi, je pense, à la source, à la création. Depuis longtemps, depuis les années 60, et surtout les années 80, beaucoup d’auteurs filles se sont distingués au Japon, parmi les mangaka. Même si je ne connais pas bien le traitement de ce personnel dans la bande dessinée. Comment est-il traité au Japon ? Mais ça, ça m’a frappé. C’est l’attrait des filles, des adolescentes et des jeunes femmes pour le manga.
Et ça, je déplore que ce ne soit pas assez le cas dans la bande dessinée
franco-belge. Je m’intéresse également aux comics américains. Je pense à
toutes les choses de chez Marvel. Là, il y aurait peut-être plus de points communs avec le manga. Dans l’invention et dans le graphisme : les audaces, les invraisemblances assumées. Cette espèce de magie des super-héros américains, qui ont d’ailleurs influencé beaucoup de mangaka japonais. Et puis beaucoup de mangaka japonais ont été influencés par la BD américaine. Donc, on ne peut pas séparer tout ça. Tout ça, c’est de la bande dessinée. Tout ça fait partie de cet art populaire, aujourd’hui planétaire. Et c’est tant mieux. Il faut lutter contre les préjugés dans tous les domaines !

Quels sont vos auteurs et vos titres de mangas préférés ?

Alors bon, évidemment, comme j’allais dire que je suis un néophyte : Tezuka pour L’Histoire des 3 Adolf et sa biographie de Bouddha. Pour moi, c’est absolument fantastique !… Celui que j’ai lu en premier, c’est Taniguchi. Ce qui est une veine très classique ; qui était, disons, le lien entre le manga et la bande franco-belge. Ce serait con de dire que c’est du « manga raisonnable ». Mais, effectivement, beaucoup d’Européens ou beaucoup de parents sont « rentrés » dans le manga via Taniguchi. Mais, maintenant, il y a beaucoup d’autres choses : Naruto peut me faire rigoler, Dragon Ball aussi. Enfin, des mangas pour les enfants. Mais il y a des séries formidables comme Nana par exemple, qui est un shôjo tout à fait inventif. Bon, il y a toute la production Clamp, ce collectif d’auteures, qui est là encore. Au début, elles étaient plus nombreuses. Elles étaient une quinzaine. Donc quatre auteures qui, depuis une vingtaine d’années, puisqu’elles fêtent leur vingt ans cette année, ont su se renouveler et aborder tous les domaines… J’aime bien Hirata aussi : La
Force des humbles
. Ou le plus récent L’Incident de Sakai. Formidable ! Le début de L’Incident de Sakai, le rythme ! En plus, les Français sont concernés. Ils n’ont pas la part la plus belle. Et ça ne fait pas de mal de temps en temps, quoi ! C’est, à la fois, anticolonialiste… Et puis, il y a beaucoup d’humour chez Hirata, vraiment !

(par Florian Rubis)

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Code EAN :

En médaillon : Albert Algoud lit Soul Eater d’Atsushi Ohkubo
Photo : © 2009 Florian Rubis

Soul Eater. – par Atsushi Ohkubo – Kurokawa – T1, 208 pages, et T2, 196
pages, 6,50 euros le volume

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Photo : (c) Florian Rubis.

 
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