Manuele Fior, né en Italie en 1975, a suivi des études d’architecture à Venise. Il a séjourné notamment à Berlin, en Scandinavie et à Paris. C’est un auteur de bandes dessinées de réputation internationale dont la carrière a fait un bond après l’attribution du Fauve d’or du festival d’Angoulême en 2011 à Cinq mille kilomètres par seconde (Atrabile, 2010). Il publie ensuite L’entrevue (Futuropolis, 2013), Les variations d’Orsay (Futuropolis/Musée d’Orsay, 2015) et le marquant Celestia (Atrabile, 2020).
Il est aussi réputé pour ses nombreuses adaptations littéraires. Mademoiselle Else (2009) d’Arthur Schnitzler l’avait en premier fait remarquer dans le neuvième art, avant même la distinction angoumoisine. Puis, viennent ses versions illustrées de La vie devant soi de Romain Gary (alias Émile Ajar) (Futuropolis, 2017) ou de L’ami retrouvé de Fred Uhlman (Futuropolis/Gallimard 2022).
Plus récemment, il s’est attaqué à la célèbre Novella (longue nouvelle) de Charles Dickens, indémodable « classique » sorti le 19 décembre 1843 avec des dessins de John Leech à l’origine chez Chapman & Hall. Ce texte continue à être très offert durant la période des fêtes dans les pays anglophones.
Réputé pour ses romans comme Oliver Twist (1837) ou David Copperfield (1850), Dickens s’est aussi fait connaître pour son radin et peu amène protagoniste Ebenezer Scrooge. Ce dernier, vieil acariâtre, déteste Noël et ses congénères. Néanmoins, visité par le fantôme de son ancien associé et de trois autres esprits incarnant l’esprit de Noël passé, présent et à venir, il sera conduit à changer d’opinion.
Le plus mémorable pingre de la littérature britannique de l’ère victorienne a fait florès, y compris dans la bande dessinée, où il s’est toutefois fait évincer par un autre. Il a en effet servi de référence à Carl Barks, « The Good Duck Artist », surnommé ainsi car contraint d’illustrer pendant vingt-cinq ans des récits animaliers pour la firme Disney de façon anonyme.
Ce dernier réutilisa le personnage de Dickens afin de concevoir la personnalité et le nom de Scrooge McDuck quand il dota, à partir de 1947, Donald de l’univers des canards de Disney de son fameux oncle grippe-sous. Si le canard à favoris et à guêtres est devenu fameux jusque dans les pays francophones, on l’y connaîtra toutefois sous un nom différent : Balthazar Picsou.
C’est d’ailleurs une transposition avec des palmipèdes du conte de Dickens par Barks qui aurait conduit Manuel Fior à choisir son titre - un héritage donc double et placé sous le signe de deux génies !
Pour plus de détails en compagnie de Manuele Fior sur l’illustration du livre et les contenus de l’exposition en cours, on se reportera ici (autre article et vidéo ci-dessous). Dans l’ouvrage, les images proposées ravissent l’œil et séduisent en plus par les références auxquelles elles font appel. Un must have !
Celles-ci ne se cantonnent pas à des réminiscences disneyennes. Malgré une technique graphique différente où la couleur prime complètement sur le trait, le travail de Manuele Fior rappelle un autre de ses compatriotes : l’admirable Dino Battaglia. Ce dessinateur italien prisait également les adaptations littéraires, exercice qu’il a beaucoup pratiqué.
Que son influence soit ou non confirmée, Un chant de Noël est donc une bonne occasion de se remémorer son talent. D’autant que, de son côté, l’auteur d’Hypericon (Dargaud) n’en est pas moins pourvu. Pour preuve, notre rédaction avait choisi ce titre comme meilleur album de 2022.
Voir en ligne : le site de la galerie Martel
(par Florian Rubis)
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En logo de cet article : couverture de "Un chant de Noël" d’après Charles Dickens illiustré par Manuele Fior/© 2023 Manuele Fior & Futuropolis/Gallimard
"Un chant de Noël" — De Charles Dickens, illustré par Manuele Fior — Futuropolis Gallimard (La petite littéraire) — 21 €
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