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Avant d’oublier – Par Anaële et Delphine Hermans – Warum

Par Damien Boone le 20 décembre 2014                      Lien  
La narratrice part en quête d'un passé qui lui paraissait lointain jusqu'au décès de son grand-père. Ce voyage dans le temps, à travers les récits individuels de quatre « vieux », acteurs de l'histoire récente de la Belgique, lui permettra de mieux comprendre les représentations et perceptions du monde de cette génération.

Lorsque son grand-père Robert meurt, c’est, selon les dires de la narratrice, Anaële, « un inconnu qui s’en va ». Elle écoute avec recul et circonspection les hommages qu’il reçoit lors de ses funérailles : ainsi, se pouvait-il que cet homme qu’elle a laissé toute sa vie à distance, qu’elle a avant tout considéré comme un raciste nostalgique de l’époque coloniale, et qu’elle n’a rencontré que pour les obligations familiales, puisse en réalité être d’une « douceur inouïe » et « tellement humain » ?

Maintenant que Robert n’est plus là, elle se rend compte qu’elle n’a plus aucun lien avec la génération de son grand-père, et qu’elle ne surmontera jamais ses incompréhensions à son égard... Sauf si elle envisage de comprendre de quelle manière se sont façonnées ses idées. Et, pour cela, il faut rencontrer des vieux, qui lui offriront des témoignages de cette lointaine époque.

Avant d'oublier – Par Anaële et Delphine Hermans – Warum

Elle croise alors le chemin de quatre anciens, tous porteurs d’une part d’histoire qu’elle ignore : Gégé, femme de directeur de plantation dans le Congo Belge des années 1930 et 1940 ; Paulette, résistante durant l’occupation allemande ; Luigi, immigré italien et ancien travailleur dans les mines de charbon du côté de Charleroi ; et Renée, artiste, indépendante, et quelque peu en marge de la société.

À l’issue de chaque rencontre, Anaële Hermans, réflexive, livre ses sentiments, modère ses jugements et revisite ses a priori, dans des pages où le graphisme de Delphine Hermans, en noir et blanc pour les périodes contemporaines, sert à mieux mettre en valeur les récits colorés des vieux, réhabilités, rendus vivants, actuels et concrets.

L’ouvrage offre ainsi un récit historique au sein duquel sont mis en avant des groupes sociaux, des groupes culturels, des femmes et des hommes concrets et ordinaires, qui ont été le moteur d’une histoire qui n’est pas vue « d’en haut », à travers de grandes dates officielles, des personnages fédérateurs ou des institutions lointaines.

La bande dessinée est à la fois simple est complexe : son graphisme est doux, les dialogues sont simples, et l’on sent dans le même temps une profondeur perturbante liée à une modestie de rigueur à la lecture de l’ouvrage. L’empathie et l’intérêt accordés aux vieux et à leurs récits les éloignent d’une vision rapide qui en ferait des personnes dépassées par les temps actuels, qui radotent, ou seraient enfermées dans des logiques d’un autre temps. Finalement, les individus sont aussi le produit d’époques desquelles il est complexe de se détacher, et il est difficile de les considérer aujourd’hui sans un regard anachronique.

Avant d’oublier invite dès lors à ne pas rejeter des pratiques ou des propos qui nous semblent de prime abord hors du temps, mais à les aborder de manière compréhensive, en prenant en compte la contingence des perceptions du monde, car nous en sommes, en partie, les héritiers et, si on le souhaite, les relais de leur mémoire, avant d’oublier ces mondes en voie de disparition à mesure que sont emportés ceux qui y vivent encore.

(par Damien Boone)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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