Avec "The Marvels", le MCU court-il à sa perte ?

L’impatience des grands jours ne se fait pas ressentir dans la salle clairsemée de la projection presse de The Marvels. Il faut dire que ce Blockbuster mettant en tête d’affiche une équipe de femmes [1] ne sort pas dans un contexte bienveillant.

En effet, la date de sortie (mercredi 8 novembre 2023) permet d’éviter les embouteillages de la rentrée, de se placer juste avant les fêtes et après les vacances scolaires en France. Mais la grosse annonce qui pourrait perturber la sortie du film, est la rumeur ambiante affirmant que Kevin Feige, le producteur historique du MCU serait sur le départ. Évidemment, rien n’a pour le moment, été confirmé. De même que la rumeur n’annonce un départ qu’après le film Avengers Secret Wars soit dans au moins un an.

Une souffrance qui s’ajoute à l’ambiance générale du MCU. Véritable poule aux œufs d’or de la Walt Disney Company au moment du rachat, Marvel Studio n’est plus aussi fringant que naguère. Une lassitude s’installe de plus en plus du côté du public face à la multiplication des projets, des arcs, des personnages… Un foisonnement qui a tendance à submerger les spectateurs. Le nombre croissant de productions est bel et bien un inconvénient parce que les projets se chevauchent et parce que, il faut bien le dire, ils sont de moindre qualité. Quantité plutôt que qualité donne de plus en plus à penser que le MCU ne cherche qu’à multiplier ses marques et donc ses produits dérivés plutôt qu’offrir du divertissement grand public pour lequel il fut pourtant si performant. Une pente glissante qui ressemble à celle des comics d’origine qui ont aujourd’hui bien moins de lecteurs qu’il y a 40 ou 50 ans.

Alors que la série Loki dévoilera le dernier épisode de sa saison 2, le vendredi 10 novembre 2023, sur Disney +, c’est un autre personnage découvert lui aussi sur la plateforme, Miss Marvel, qui fait le chemin inverse pour arriver en salle. Une ascension presque logique tant la jeune femme s’identifie à l’un des membres les plus puissants des Avengers : Captain Marvel. Personnage aux pouvoirs étendus qui pourrait à elle seule régler presque tous les problèmes rencontrés dans le MCU, mais qui, pour des soucis moraux et scénaristiques pas toujours évidents, laisse sa place à d’autres...

Un personnage qui avait aussi et surtout déçu la communauté de fans, que ce soit dans son film individuel sortie en 2019 ou dans ses autres apparitions dans l’univers. La série Miss Marvel, avait également plutôt déçu. Surtout dans le domaine des effets spéciaux réalisés beaucoup trop rapidement alors que le studio été touché par une grave grève des animateurs de FX notamment à cause des conditions salariales.

Dans ce contexte et avec ces antécédents, le duo pouvait difficilement compter sur la troisième tête d’affiche de ce film : Monica Rambeau, personnage jusque-là plus que secondaire qui attire les spotlights pour la première réelle fois.

Mais ce film est-il finalement si catastrophique que cela ? Loin d’être inoubliable, The Marvels n’est pas le navet que certains détracteurs et suiveurs avaient annoncé. L’un des films les plus courts du MCU, The Marvels renoue avec les grandes aventures qui ont fait la recette du succès du studio. Dynamique, le film ne s’éternise pas : pas de scène inutile, pas de longueur, l’intrigue est ciselée pour éviter les embûches. Parfois un peu éloignée des prérogatives actuelles de l’univers cinématographique des Avengers (multivers, Skrulls,...), cette mission a pour unique vocation de souder une nouvelle équipe 100 % féminine, même si le grand manitou patriarcal Nick Fury n’est jamais bien loin.

Sans équivoque, la question de la représentativité est au coeur du scénario. De Miss Marvel ou de Monica Rambeau envers Captain Marvel comme des spectateurs envers les personnages, la représentativité et l’identification des minorités sont essentielles pour ce film. Le débat avait déjà fait rage outre-Atlantique dans le secteur des comics. L’activité cinématographique de Marvel ne pouvait donc décemment pas ignorer cette question sociale. Avec un casting et une équipe exécutive en majorité composés de femmes pilotées par la réalisatrice Nia DaCosta, The Marvels est sans détour le film le plus Woke du MCU. Un point qui ne fait pas souffrir le film en trop longues digressions mais dont on à peine à croire qu’il obéit davantage à un cahier des charges relevant à du woke washing qu’à une véritable prise de conscience.

Visuellement, le studio retrouve ses standards. Fini les incrustations qui font souffrir les yeux, on reste dans une approche traditionnelle. Idem pour les scènes de combats aux chorégraphies milimétrées, efficaces et lisibles.

Dynamique, fluide et un brin nostalgique, The Marvels a même pensé à inclure une première partie de film dans laquelle les personnages sont présentés aux spectateurs. En particulier celui de Miss Marvel, ce qui permet à tous de se raccrocher aux branches. Mention particulière à l’effort fourni pour continuer de lier Miss Marvel à une partie dessinée sur le modèle des deux films d’animations Spider-Man mais surtout sur le modèle des comics d’origine. Ainsi, le film renoue très clairement avec le divertissement grand public à la Stan Lee où combats, méchants extraterrestres et humour font bon ménage dans film familial sans grande ambition scénaristique mais avec une efficacité à toute épreuve, si l’on oublie l’épisode félin ou encore la séquence, plus que douteuse, de la comédie musicale.

Arriver à manoeuvrer un navire qui satisfasse le public sans finir en Titanic n’était pas chose facile. The Marvels s’en sort avec les honneurs, redore un petit peu le blason des personnages et les inscrit davantage au coeur de la nouvelle équipe des Avengers. Futur Is Female scandent les militants et le Marvel Studio en tient compte. Féminisme et diversité, voilà ce que laisse entendre cette nouvelle phase du MCU en espérant que ce ne soit pas uniquement un effet marketing.