Parce qu’il s’inscrit dans une tradition, celle de l’école belge, au point de nommer l’atelier qu’il partage avec ses potes et néanmoins collaborateurs –250 m² au cœur d’Aix en Provence- d’un juron d’inspiration bruxelloise : Gottferdom !, Christophe Arleston suscite depuis longtemps le mépris d’une certaine critique de bande dessinée qui voue aux gémonies l’humour grand public, l’Heroïc Fantasy et le dessin dit « commercial. »
Est-ce qu’un observateur de l’histoire culturelle du 21ème siècle peut sincèrement ignorer un auteur qui totalise près de six millions d’exemplaires vendus, recevant, selon la formule que Pascal Ory applique à Goscinny, « un plébiscite de tous les jours » dans le « suffrage universel de la culture » qu’est le succès ? Sérieusement non. C’est pourquoi il est heureux que le très critiqué Centre Belge de la Bande Dessinée laisse la place à ce phénomène, dont les ressorts sont si proches de ceux de l’école belge.
Thierry Bellefroid, commissaire de cette exposition, remarque combien « Arleston a su servir des codes du genre, les détourner de leurs origines et doser avec science la comédie, le burlesque, les blagues de potache, l’aventure, le suspense, les mondes inventés… » Son invention centrale, la planète de Troy [1], que le scénariste arpente dans tous les sens à l’aide de ses dessinateurs correspond à une « arithmétique » que Bellefroid se propose de faire découvrir au visiteur.
Cette arithmétique commence par la déconstruction du héros traditionnel de l’Heroïc Fantasy, testostéroné à fleur de muscles et dont l’épée est l’attribut phallique sans cesse exhibé. Lanfeust est « un héros pas très héroïque » note le commissaire : « un crétin prédestiné à sauver le monde… campagnard plutôt inculte… incapable de résister aux caractères forts ». Heureusement, l’entourage compense, et c’est là que la mécanique se met en marche : deux belles rivales, Cixi et C’ian, qui se réservent l’ingénuité du jeune homme et une brute poilue sous la forme d’un troll forment le quatuor qui compose cette « famille d’aventure ».
À cela s’ajoute un écheveau de rhizomes scénaristiques qu’Arleston construit au gré de ses collaborations graphiques avec Didier Tarquin, Jean-Louis Mourier, Ciro Tota, Ludo Lullabi, Nicolas Keramidas, Olivier Vatine, Éric Hérenguel, et bien d’autres dont le remarquable créateur d’Olivier Rameau, Dany dont on découvre les magnifiques pages réalisées pour Arleston sur les cimaises bruxelloises.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Jusqu’au 27 septembre 2009
Centre belge de la BD
Rue des Sables
1000 Bruxelles
[1] Tous els albums de la série de Troy sont publiés par Soleil.
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