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Décès de Richard Langlois, pionnier de l’enseignement de la BD au Québec.

Par Le Bédénaute le 29 juillet 2010                      Lien  
Inconditionnel de la bande dessinée, Richard Langlois a consacré 40 ans de sa vie à enseigner et à faire connaître la bande dessinée au Québec. Il était un expert reconnu autant dans la BD américaine que franco-belge et, depuis quelques années, un collaborateur d'ActuaBD

Richard Langlois s’est éteint à Sherbrooke le 19 juillet dernier, « après un court mais courageux combat contre le cancer » précise le journal local.

Décès de Richard Langlois, pionnier de l'enseignement de la BD au Québec.
Richard Langlois
Photo : Delaf. DR

Après une Licence, puis une Maîtrise en littérature, il a commencé sa carrière dans l’enseignement en 1968 au CÉGEP [1] de Sherbrooke, carrière qu’il a poursuivie sans interruption jusqu’en 1997. En parallèle, il donnait également des charges d’enseignement à l’Université de Sherbrooke, activité qu’il n’interrompit qu’en l’an 2000. C’est en 1970 qu’il conçut une première version de son « cours sur la Bande Dessinée », dont le contenu fut approuvé par le Ministère de l’Éducation du Québec dès 1973, et également mis au curriculum de certains départements universitaires. Le contenu de ce cours portait autant sur la BD américaine qu’européenne, et l’oeuvre d’Hergé y a pris une place importante au début. L’amélioration constante du contenu de ce cours l’amena à établir une correspondance régulière avec le créateur de Tintin. À ce sujet, Philippe Goddin témoigne :

« À l’époque, secrétaire général de la Fondation Hergé, j’ai découvert
l’existence de Richard Langlois au début des années 90 en parcourant les
dizaines de classeurs dans lesquels Hergé conservait sa correspondance.
Dans ses échanges avec Hergé, il m’est apparu comme un membre éminent de
cette « fraternelle » tintinophile dont je faisais partie bien avant d’y
exercer une quelconque responsabilité. Lorsque j’ai ensuite fait sa
connaissance, par lettres, puis par courriels (je ne l’ai malheureusement
jamais rencontré), je savais que nos échanges se situeraient sur le plan du
partage dont il avait fait sa raison de vivre : partage d’informations,
d’enthousiasmes, de doutes.... Connaissant son
parcours et mesurant l’influence qu’il a pu avoir sur ses élèves, ses
connaissances et sur ses lecteurs, je sais qu’il va manquer à beaucoup.
Tintin n’était pas, loin s’en faut, sa seule passion. Richard était un
éclaireur dans tous les sens du terme.
 »

Le catalogue de l’exposition "La BD made in Sherbrooke", 1998

L’expertise qu’il développa au cours des ans lui valut aussi de nombreuses invitations à prononcer des conférences de vulgarisation, et à conseiller les distributeurs de BD au Québec ainsi que le Conseil des Arts du Canada. Au-delà de ses tâches d’enseignement, il contribua à faire connaître la BD au grand public grâce à une exposition sur la BD québécoise à Toulouse et Albi en 1982, et en faisant connaître des planches originales d’Edgar-Pierre Jacobs au public sherbrookois en 1982. C’est également dans sa ville natale qu’à titre de commissaire invité, en 1998, il contribua à une exposition de talents locaux, parmi lesquels on compte Delaf et Daniel Shelton ainsi qu’une rétrospective des oeuvres d’Albert Chartier. Tous ses efforts furent récompensés par le Prix reconnaissance, attribué par le Festival de la BD francophone de Québec en 1994.

Peu souvent à l’avant-scène de l’actualité BD, ce n’est, ironiquement, qu’aux funérailles d’Albert Chartier en février 2004 que nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Très rapidement, un territoire commun s’est établi entre nous, celui des comic strips américains. C’était un grand admirateur d’Harold Foster (Prince Valiant), de Frank King (Gasoline Alley), de Burne Hogarth (Tarzan) et surtout de Jack Cole (Plasticman). Il colligeait et classait méthodiquement des dizaines de ces comic strips, sans doute pour alimenter ses leçons. Il était également un fervent collectionneur des Captain Marvel Adventures et les Whiz Comics, ce qui ne l’empêchait pas de lire régulièrement aussi les hebdomadaires Tintin et Spirou.

Richard Langlois, Dubuc et Delaf, au lancement du Tome 1 des "Nombrils" à Sherbrooke, en 2006
Photo ; Delaf. DR.

Richard demeura un inconditionnel de la BD même à la retraite de l’enseignement : combien d’entre nous recevaient assez régulièrement, ces dernières années, un courriel intitulé « Pour partager », et dans lequel il continuait d’exprimer ses opinions, toujours bien tranchées, sur un livre ou un album de bande dessinée ? Les pages d’ActuaBD en contiennent quelques-unes, entre autres des critiques de livres traitant d’Hergé et du monde de Tintin, et par exemple, des opinions sur des albums de Yoko Tsuno, les Nombrils et surtout, le Lucky Luke dont l’action se passe au Québec (La belle province). Rarement de demi-mesures avec lui, il s’exprimait avec une verve qui témoignait de sa passion. Chaque case et chaque ligne du scénario étaient scrutées à la lumière de ses nombreuses années de lectures et d’analyses attentives, rien ne lui échappait.

Cher Richard, bon séjour au paradis de la BD avec ceux que tu as tant admirés : Hergé, Eisner, Franquin, Goscinny, ...

Toutes les condoléances de l’équipe d’ActuaBD à son épouse Louise, ses filles Christine et Nathalie, et ses petits-enfants.

(par Le Bédénaute)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Témoignages tirés de mes échanges personnels avec Richard Langlois, ainsi que d’un article paru dans le International Journal of Comic Art (IJOCA, Vol. 7. No. 2 pp. 78-89, 2005).

Merci à Delaf pour les photos, tirées de ses archives personnelles.

[1Collège d’Enseignement Général et Professionnel - institution d’enseignement postsecondaire du système d’éducation de la province de Québec

 
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8 Messages :
  • Décès de Richard Langlois, pionnier de l’enseignement de la BD au Québec.
    29 juillet 2010 15:34, par Jocelyn Jalette, Québec

    Après le décès de Geerts, je suis coup sur coup de nouveau triste. Je ne le connaissais pas personnellement, mais j’ai pu visiter l’expo de Sherbrooke en 1998, tellement bien montée. Le Québec dispose de si peu de spécialiste en BD, il est alors encore plus dommage d’en perde un. Mais pour sa famille, c’est une perte personnelle lourde. Toutes mes sympathies vont à eux.

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    • Répondu par Denis PRIVAT (Dernier rédacteur-en-chef d’HAGA Magazine le 3 août 2010 à  08:51 :

      La nouvelle de la disparition de Richard LANGLOIS m’attriste et me touche.
      J’ai le souvenir de notre première rencontre en 1981 sur son lieu de travail à Sherbrooke, c’est naturellement qu’une relation fraternelle c’est installée entre nous.
      Richard avait en lui "le feu sacré" et sa passion de la bande dessinée était telle qu’il était capable de vous adopter en un instant. En tout cas ce fut le cas pour moi !
      Lorsque je lui ai parlé de préparer une exposition sur "La bande dessinée Québécoise" (la B.D.K.) et leurs auteurs, il a été mon premier soutien et je dirais même que sans lui elle n’aurait jamais existée.
      Elle a tournée en France pendant deux ans en 1982 et 1983. D’abord à Albi (récemment classée au patrimoine mondial de l’Unesco) puis Toulouse, Dreux St Etienne et St Malo.

      Encore une fois, Richard, merci pour ta générosité, ton sens de l’écoute (qui n’était pas que professoral), ton grand coeur et ta simplicité.
      Aujourd’hui mes plus sincères pensées vont droit à sa famille et ses proches.

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      • Répondu par Louise Langlois le 3 août 2010 à  20:06 :

        Bonjour M. Denis Privat, je suis Louise, l’épouse de Richard.
        Je tiens à vous remercier pour vos bon mots sur l’amour de ma vie depuis 45 ans. Richard s’en est allé avec beaucoup de sérénité. Nos 2 filles Christine et Nathalie et moi-même étions présentes pour tous les derniers moments si précieux
        de Richard. Il nous a aidé à cheminer... et maintenant je me sens sereine car Richard n’est pas loin...juste de l’autre côté. Il vous aimait beaucoup et parlait souvent de vous. Il va certainement veiller sur vous de son beau ciel.
        Merci et je vous embrasse XX

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        • Répondu par line Arsenault le 4 août 2010 à  18:24 :

          Mercredi 4 août.
          J’ai sursauté,évidemment, en lisant l,annonce du décès de Richard. Madame Langlois et vos filles,je vous offre toutes mes sympathies. J’ai connu Richard en 1995, lors de la sortie de mon album 1 de La vie qu’on mène. Il m’a donné de précieux conseils et encouragements particulièrement entre 1995 et 2002, sortie de mon album 5, dont il a fait une précieuse critique. Lors des soupers du Festival Bd où il venait, nous avions toujours plaisir à se cotoyer et à partager des sujets souriants avec une belle complicité.
          Le peu que j’ai pu être en contact avec lui, j’ai aprécié grandement. Je le salue bien haut et bien amicalement.

          line Arsenault

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          • Répondu le 6 août 2010 à  01:37 :

            Je suis aussi très triste d’apprendre le décès de Richard,à qui je dois une fière chandelle et mes remerciements chaleureux pour son aide inestimable quand j’ai entrepris les premières recherche pour l’ouvrage qui paraîtra enfin le 7 octobre 2010,intitutlé "Tintin et le Québec:Hergé au coeur de la révolution tranquille"sous la plume d eTristan Demers, chez Hurtubise. Richard m’envoya aussi ces courriel "à Partager" et qui sont encore sur mon blogue
            à cette adresse http://planetintin.free.fr et que je vous invite à relire vous retrouverez toute la verbe et la passion dans ces billets que je garde et partage avec vous. À vous Louise et à vos proches j’offre mes sympathies les plus sincères.
            À son tour richard mériterai un ouvrage pour qu’on ne l’oubli pas.
            Merci Richard !

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  • Le monde de la BD est tout un monde ! Ce monde destiné à ces spécialistes qui sont animées d’une grande passion de la vie et qui savent mettre en valeur les divers sentiments véhiculés par l’image.
    Bien que n’ayant pas évolué dans ce domaine personnellement, mes enfants dès leur plus jeune âge, ont été conquis par la BD.
    J’ai cotoyé Richard et Louise son épouse, et je me suis toujours surprise à penser à ces personnes touchantes et ayant de belles valeurs.
    Je souhaite pour la famille de Richard toute la paix intérieure nécessaire pour continuer dans la vie comme Richard sûrement l’aurait voulu. Bien que sa vie terrestre soit terminée, son souvenir restera dans nos coeurs. Une amie du couple. Jeannine

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  • richard a été mon professeur de bd au cegep de sherbrooke. ma première initiation à la bd fut de lui.je suis aujourd’hui collectionneur grâce à ses merveilleux conseils. merci.

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  • Au revoir Richard - en retard
    10 juin 2011 15:23, par Denis Grenier

    J’ai eu un choc en apprenant le départ de Richard. C’était un ami de longue date (1975-). Il a été pour moi une source de grand encouragement dans ma passion pour la BD, et ses conseils ont grandement profité au jeune dessinateur que j’étais. Si le désir de faire de la BD m’habite toujours, c’est en grande partie grâce à Richard. Il m’arrivait souvent, lors de mes études en graphisme au Collège de Sherbrooke, de monter d’un étage pour voir si Richard n’était pas à son bureau pour piquer une bonne jase avec lui. ET à chaque fois, Richard était disponible et heureux de me recevoir. Toujours enthousiaste. Il me manque. J,aurais voulu lui dire au revoir. Mais je suis confiant qu’un jour, je monterai d’un étage, et que j’aurai encore l’occasion de piquer une bonne jase avec lui.

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