La Belle au bois dormant, Cendrillon, Blanche Neige, La petite sirène, Raiponce, Le petit chaperon rouge...
Nous avons des images en tête, qui correspondent souvent à des dessins animés ou à des films, plus récents. Si les (très) grandes lignes de l’histoire y sont respectées (et encore...), il serait temps de redécouvrir les versions originales de ces contes, qui vont bien plus loin... parfois même un peu trop loin...
C’est ce que Lou Lubie nous propose dans cet album très documenté, bourré d’humour (il en faut car certains passages sont franchement glauques et un peu de second degré ne nuit pas, bien au contraire). L’autrice ne s’arrête pas là. À l’appui d’une solide documentation, elle nous propose une analyse psychologique et sociale des contes. Elle en profite pour nous en faire découvrir d’autres, moins connus mais édifiants comme La vieille écorchée, La pauvre manchote, Le souriceau, l’oiselet et la saucisse, ou encore Le prince Bajaja.
Elle nous présente les trois principaux pourvoyeurs de contes, j’ai nommé les sieurs Grimm frères (Allemagne, 1812), Charles Perrault (France, 1697) et Giambattista Basile (Naples, 1634) [1]
Elle nous présente les différentes versions d’un même conte, selon les auteurs successifs, et analyse le fonds du discours. Ainsi, les contes ne sont pas toujours destinés aux enfants, comme on pourrait le croire. Basile écrit pour un public adulte et ses héros agissent comme tels (violence, sexualité...). Les frères Grimm dépeignent des histoires assez cruelles, qui peuvent refléter la difficulté de la vie à cette époque, en particulier à la campagne. Les contes de Perrault sont plus raffinés : il est un homme de cour et son public est noble.
L’analyse est souvent percutante et étayée : quel est le rôle de la femme (la notion de consentement notamment porte à discussion), les contes sont-ils racistes, ou encore quelle est la place de la religion ? Il est très amusant de jongler entre son souvenir, très édulcoré, et le récit original qui en est fait. Certaines versions sont extrêmement éloignées de celles données par Disney : un des exemples les plus flagrants étant La petite sirène, conte de Christian Andersen, où (attention, spoiler) la jeune sirène se fait couper la langue pour remplacer sa queue de poisson par des jambes. Muette, elle entre au service du prince dont elle est tombée amoureuse lorsqu’elle lui a sauvé la vie mais il ne la reconnaît pas. Il se marie avec une autre et elle... se suicide.
Non, ils ne vécurent pas heureux et n’eurent pas beaucoup d’enfants...
Les exemples sont nombreux (nous présentons quelques images de Cendrillon ci-dessous) et chaque histoire de l’album est édifiante. Mais toute cette analyse resterait morne et ennuyeuse sans l’humour de Lou Lubie, présent à chaque page.
Rafraîchissant et instructif, un vrai plaisir de lecture, à partager en famille (à partir de 13 ans quand même...).
(par Jérôme BLACHON)
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[1] le plus ancien dans l’ordre chronologique et pourtant loin d’être le moins intéressant…