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Kazuo Koïke : « Je descends d’une lignée de Samouraïs »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 juillet 2008                      Lien  
Kazuo Koïke est une légende vivante. C’est l’auteur de Lone Wolf and Cub (Baby Cart), Lady Snowblood et Crying Freeman, chefs-d’œuvre de la bande dessinée mondiale, évidemment adaptés au cinéma. Il était l'un des invités d’honneur de Japan Expo cette année. Rencontre.
Kazuo Koïke : « Je descends d'une lignée de Samouraïs »
"Lone Wolf & Cub" dessiné par Goseki Kojima
Ed. Panini Comics

Il a le port altier, le phrasé précis, un regard qui vous perce comme une vrille. Il n’est pas venu seul : il a tenu à présenter les plus grands auteurs de la bande dessinée au Japon, ses collègues, avec « L’Exposition, Le Manga l’Art des personnages » qui était visible au cours de la dernière édition de Japan Expo. Sévère, voire sentencieux, il a fini par aimer l’ambiance de Japan Expo. « Les journalistes ici connaissent mieux mon travail que les journalistes japonais  » constatait-il. En dépit du fait que seulement une petite partie de son œuvre soit publiée ici. À la fin du séjour, il a l’air de m’avoir à la bonne. En coulisse de la remise des Japan Expo Awards, il me prend à part, d’un air enjoué. Et là, pour moi seul, il me fait un numéro d’illusionniste avec une paire de dés. C’est cela, Kazuo Koïke, au cas où on l’aurait oublié : avant tout, un magicien.

Comment êtes-vous devenu mangaka ?

Au début, j’étais romancier et c’est Takao Saïto qui avait le projet de Golgo 13 qui m’a demandé de travailler avec lui. C’est comme cela que je suis entré dans le milieu des mangas.

Quelle image avaient les mangas à l’époque où vous y faites vos premiers pas ?

À l’époque, tout tournait autour de deux groupes : celui de Osamu Tezuka qui faisait ce que l’on appelait les mangas, et un autre groupe, celui de Takao Saïto, qui fédérait les créateurs de gekigas [1]. Ces deux groupes étaient vraiment opposés.

Est-ce à dire que Tezuka s’adressait plutôt aux enfants ?

Non, on ne peut pas dire les choses comme cela. Tezuka était considéré comme le « dieu des mangas » donc on a plutôt essayé de faire face à « Dieu ».

Kazuo Koike à Paris en juillet 2008, à l’occasion de Japan Expo
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Mais les mangas étaient-ils bien considérés ?

Les mangas n’avaient pas leur place dans la société. Ils étaient considérés comme une sous-culture. Je n’ai connu que ça, ce mépris pour les mangas.

Votre apport à la bande dessinée mondiale est à mon sens d’avoir créé des « types littéraires » comme le tueur à l’enfant de Lone Wolf & Cub

"Lady Snowblood" dessiné par Kazuo Kamimura
Ed. Kana / Sensei

Au départ, pour Lone Wolf & Cub, je voulais créer un enfant qui n’a pas de mère et un samouraï qui élève cet enfant. Ma mère m’avait offert dans mon enfance une poupée traditionnelle représentant un enfant faite à Hakata [2] Je l’avais apportée dans mon bureau et j’ai écrit cette histoire en me demandant qui étaient les parents de cet enfant. C’est là que tout a commencé.

Dans Lady Snowblood, une femme venge sa mère. Le lien familial joue un rôle clé dans vos histoires…

C’est effectivement un thème très important pour moi. Dans mes histoires, les parents sont capables de mourir pour leurs enfants et les enfants pour leurs parents. Ça c’est l’esprit des Samouraïs. En fait, je suis issu d’une famille de Samouraïs. C’est pour cela que je tiens à cet esprit et pourquoi je déteste le monde actuel où l’on voit des enfants assassiner leurs propres parents.

"Crying Freeman", dessiné par Ryoichi Ikegami
Ed. Kabuto / SEEBD

Dans « Crying Freeman », l’érotisme apparaît. Le lien entre l’héroïne et l’homme qui doit la tuer est très ambigu. C’est un jeu entre Eros et Thanatos, l’amour et la mort.

Je voulais avant tout décrire une histoire d’amour et de passion entre un homme et une femme. Toutes les descriptions érotiques sont quelque chose de nécessaire qui accompagnaient une histoire d’amour. Ce n’est pas l’érotisme que je voulais montrer. Dans l’histoire, cette femme est kidnappée et son amant reste serein parce qu’il sait que de toute façon, si elle meurt, il va mourir aussi. C’est donc la mort qui lie ce couple, de même que l’amour. C’est ce que je voulais montrer.

Pensez-vous que les mangakas d’aujourd’hui reflètent la tradition japonaise que vous incarnez ?

Oui, je pense. Ils montrent assez peu les aspects du monde actuel que je déteste. Quand ils le font, en général, ça me fâche.

Vous êtes professeur à l’université d’Osaka. Quelles valeurs cherchez-vous à transmettre à vos élèves, pour la plupart aspirants mangakas ?

Je n’ai aucune intention d’enseigner quoi que ce soit aux jeunes. Mon travail consiste surtout à repérer leur talent propre chez chacun. Je leur donne tout. C’est pourquoi j’ai autant de disciples : parce que je n’enseigne pas et parce que j’essaie de trouver le talent chez eux.

"Lone Wolf & Cub" dessiné par Goseki Kojima
Ed. Panini Comics

Êtes-vous familier avec la bande dessinée européenne ?

Je ne la connais pas bien et je ne veux pas en être influencé, pas davantage par la bande dessinée américaine. Si je dois comparer l’une à l’autre, ma préférence va à la bande dessinée européenne.

« Kill Bill » de Tarantino est une sorte d’hommage à Lady Snowblood. Comment l’avez-vous reçu ?

(Après un silence) J’ai été déçu.

Propos recueillis par Didier Pasamonik avec l’aide de Shoko.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médaillon : Kazuo Koïke. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

[1De « Geki » qui signifie « drame », le gekiga désigne les mangas publiés dans années 60-70 qui abordent des sujets plus adultes. Ils sont le creuset de la bande dessinée japonaise moderne, en particulier dans le genre « seinen ».

[2L’ancienne ville de Hakata (sud du Japon) produit encore aujourd’hui ces « Hakata-ningyô », des poupées de terre-cuite d’un extrême raffinement, le plus souvent peintes et habillées. Elles sont dans la tradition sensées protéger le foyer.

 
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