La bande dessinée s’est souvent frottée à cette œuvre-clé de l’histoire de l’antiquité qu’est le Commentaire sur la guerre des Gaules de Caïus Julius Caesar. C’est la seule source à peu près fiable de cette époque et, même si elle n’est qu’un outil de propagande, elle dut son exceptionnelle célébrité au fait que les batailles qui y sont longuement explicitées ont longtemps servi de référence aux apprentis stratèges. L’imagerie qui en découle a façonné nos imaginaires jusqu’à "nos ancêtres les Gaulois" des manuels scolaires de la Troisième République.
De Alix de Jacques Martin (Ed. Casterman), à Aviorix de Marcel Moniquet (paru dans Héroïc Albums), en passant par Astérix d’Uderzo & Goscinny (Hachette), déconstruction drolatique et irrévérencieuse, ou encore l’excellente série Vae Victis de Rocca & Mitton (Soleil) formidablement documentée, les usages de La Guerre des Gaules n’ont jamais manqué à la bande dessinée et le désir de vérité de ces références accompagne souvent le travail des historiens. D’Astérix, Goscinny disait : « Pour le premier épisode qui se passait à Rome, j’ai puisé dans « La Vie quotidienne à Rome » de Carcopino, qui m’a fait savoir, quand il a lu l’album, que ma documentation était excellente : Il a reconnu la sienne… »
Mais c’est la première fois que cette œuvre majeure de l’Antiquité est adaptée sans complexe par des auteurs qui décident d’en faire une fiction appuyée sur une documentation historique mise à jour.
Cela dit, ils ne s’en sont pas vraiment encombrée, préférant retenir le souffle épique de ces batailles que la vérité du détail. Ainsi, l’historien lèvera plus d’une fois le sourcil devant le chatoiement des couleurs des uniformes, devant ces armes d’apparat qui sévissent jusque qu’au cœur des batailles dans les coins les plus reculés des Gaules.
Le lecteur lambda, de son côté, sera sans doute accablé par le name dropping de tous les peuples énoncés dans les récitatifs au fur et à mesure des batailles gagnées : bien malin qui s’y retrouvera. Heureusement, la fiction est là : une espionne gauloise vient jouer sa Lady X, histoire de mettre un peu de piment dans la Polenta.
Le dessin de Pompetti est fastueux, déploie avec ampleur son polyptyque tout en camaïeux délicats. Il sait mettre en valeur, grâce à son dessin académique, le beau document dont il dispose tout en laissant celui qui lui manque disparaître dans un effet de gouache vaporeux. Mais ce flou affecte parfois la reconnaissance des personnages, nombreux, qui manquent par ce fait de caractérisation. Le danger du procédé est que l’ouvrage, comme l’a si bien formulé un critique contemporain de la Salammbô de Flaubert, finirait par "assommer les lecteurs autant que les soldats."
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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