La Traque : L’affaire Dupont de Ligonnès - Par Valette, Petit et Morice - Ed. Petit à Petit

Tant a été écrit sur le sujet, qu’on peine encore aujourd’hui, avec un minimum de sérieux, à se lancer dans un nouveau livre qui traite du sujet. De prime abord, cette bande dessinée laisser craindre un énième récit fantasmagorique de l’affaire : la couverture montre une silhouette à lunette se faufiler dans les bois. Le titre semble également aller dans ce sens à tel point qu’on se demande si on ne va pas perdre son temps à lire un bouquin de près de 200 pages plein d’élucubrations.
Les premières planches viennent démentir cette impression préliminaire. Il s’agit certes d’une reconstitution de ce qu’ont pu être les jours, début mars 2011, pendant lesquels les préparatifs de la disparition ont été élaborés, mais l’ensemble est réalisé à partir des mails et courriers rédigés par Xavier Dupont de Ligonnès et tirés du dossier de l’enquête. On constate que tout semble avoir été parfaitement orchestré pour faire « patienter » l’entourage proche et moins immédiat de la famille : lettre aux amis et à la famille expliquant le départ vers l’étranger, lettre d’excuse aux institutions scolaires des enfants… Il fallait pouvoir gagner du temps pour fuir.

Puis c’est la découverte des corps par la police, l’audition de témoins, la reconstitution de l’itinéraire du fugitif à partir du bornage du téléphone et de la carte bleue, les dernières images de vidéo-surveillance et puis… plus rien !

Une fois le contexte général posé, les auteurs de la BD retracent l’enquête avec minutie, les doutes des inspecteurs, les étranges témoignages de certains proches, qui disparaissent eux aussi parfois d’une mort prématurée. On reconstitue la personnalité trouble et manipulatrice à de multiples reprises de l’acteur principal de l’affaire ; ses aventures sentimentales, souvent liées à des prises de risques financières inconsidérées.

La famille De Ligonnès baigne dans un environnement spirituel très particulier ; la mère Geneviève étant le gourou de la secte Philadelphie, groupe replié sur lui-même, aujourd’hui quasi-disparu. Des liens entre l’assassinat et cette secte ? Il n’y en eut certainement pas, mais Xavier Dupont de Ligonnès, bien qu’ayant pris ses distances avec leurs croyances, a quand même pris soin de mettre en scène les sépultures d’une bien étrange façon (Précisons quand même qu’il bénéficie de la présomption d’innocence, même si tout porte à croire qu’il est l’auteur du massacre).

L’autre intérêt pour un lecteur plus profane est de savoir que des affaires telles que celle-ci, il y en eu quelques-unes au préalable. On apprend qu’au moins trois autres cas d’assassinat qui ressemblent étrangement à celui de la famille de Ligonnès ont eu lieu en France entre le début du 20ème siècle et le début du 21ème siècle. Ces « macabres similitudes » laissent envisager que l’assassin des Dupont de Ligonnès ne serait qu’un Copy Cat.

Le lecteur est happé dans cette bande dessinée dont le scénario, pourtant réel, est digne d’une série télévisée. Le traitement sous forme d’enquête, à la fois policière et journalistique, est efficace. Les encarts ajoutés à chaque fin de chapitre replacent l’ensemble dans une réalité presque historique et démontrent la volonté des auteurs de s’en tenir aux faits et aux documents dont ils disposent. Les suppositions prononcées par les acteurs proches ou moins proches de l’affaire qui viennent clore l’ouvrage ne sont jamais confirmées ni infirmées et permettent de nous faire notre propre avis.