Au milieu d’une forêt lugubre et enneigée où rôdent les bêtes sauvages se dresse l’ancienne abbaye de Marie des loups. Un régiment d’élite s’y entraîne sous la direction du héros de la Révolution, le général Guillaume Neredahaus, qu’on soupçonne de fomenter un coup d’état. De la capitale, Nicolas, un jeune et ambitieux inspecteur de police, est envoyé sur place pour mener l’enquête. Saura-t-il percer à jour les secrets du grand miliaire ? Et surtout, pourra-t-il résister à Marie, la fille adoptive de Guillaume ?...
Voilà qui semble ressembler à une banale énigme policière, mais c’est sans compter l’atmosphère du monde dans lequel se déroule ce très bel album. L’Homme et Penet nous ont concocté une contrée magistralement romantique (au sens littéraire du terme) où tous les fantasmes liés à l’Europe centrale sont réunis. La capitale gothique a les allures d’une Prague hivernale, les forêts sont hostiles, l’empire voisin est menaçant et les intrigues politiques foisonnent. Quant à l’époque, on imagine un XIXe siècle vieillissant. Penet épouse magnifiquement cet univers et lui donne vie d’un trait sensuellement réaliste. On retrouve ici les meilleures heures des collections Grafica et Caractère de Glénat.
On peut sans doute comparer cet album à la Balade au bout du monde, au Prince de la nuit, voire au Troisième testament ou à Sambre. Pourtant ces séries se déroulent toutes plus ou moins dans notre monde. Le paradoxe de Marie des loups est sans doute que l’album utilise avec brio toutes les techniques de la BD réaliste (dessin et découpage classiques, décors épurés, cases très cadrées) pour nous plonger dans un lieu imaginaire. Les auteurs ont créé un univers que l’on voudrait pouvoir localiser sur une carte.
On peut trouver des défauts à cet album : Nicolas est incroyablement niais pour un inspecteur de police, Marie singulièrement entreprenante pour une jeune fille de son âge et les personnages sont souvent figés dans une de ces postures que l’on prend quand on veut faire une photo « au naturel ». Mais comment résister à cette héroïne qui allie la sensualité (cf. page 14) et le regard (cf. la page 27) d’une Cyann avec la fougue et la fraîcheur d’une Ariane de Troïl ? Comment ne pas trembler à l’idée des projets du machiavélique Guillaume ? Comment enfin ne pas vouloir en savoir plus de ce monde si proche et pourtant différent du nôtre ?
(par Martin Grillard)
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