Le Pulp, un Festival de BD "au croisement des autres arts", accueille ses visiteurs à la Ferme du Buisson de Noisiel, un lieu culturel charmant qui s’attache à promouvoir différents types d’expressions artistiques et notamment le théâtre. Gardez cette information en tête, elle a son importance.
On vous passera la description des mondanités inhérentes à ce type d’évènements, où les discours de maire de Champignac se succèdent ; concentrons-nous sur le vif du sujet, les expositions de BD !
Un duo féminin
Il y a d’abord celle, intimiste, comme logée dans une maison hantée, dédiée à l’autrice britannique Posy Simmonds qui vient de publier ces jours-ci chez Denoël son troisième roman graphique, Cassandra Darke, tandis que chez le même éditeur, une biographie lui est consacrée par Paul Gravett, So British. Cette exposition n’est rien moins que la première consacrée à l’artiste britannique en France. Elle retrace tout son parcours avec des originaux pour la plupart inédits en France mis en scène dans d’ingénieux dispositifs qui mettent en valeur le beau dessin délicat de l’artiste.
Cette 6e édition du Pulp consacre également une exposition à Catherine Meurisse qui, après son album La Légèreté, revient avec un nouveau titre intitulé Les Grands Espaces (Dargaud). Cette exposition se tenant au sein des écuries de la Ferme du Buisson, chaque box propose une mise en scène avec des décors divers et variés, de l’un des passages de ses albums émaillé par une citation. Le visiteur est, par ce procédé, invité à entrer dans la case et à jouer le rôle des personnages de l’autrice.
Un maître argentin
Plus loin, il y a l’épatante rétrospective consacrée au maître argentin Alberto Breccia (1919-1993). L’exposition fait ressortir aux travers de ses différentes œuvres (une par salle, en général) l’évolution de ce maitre de l’expérimentation : Mort Cinder, les Contes, Chtulu, Dracula... On reste ébahis devant l’audace de ses noirs et blancs où le pinceau, qu’il soit sec ou gorgé d’encre, dialogue avec la plume et les effets d’estompe de tissus, de ses papiers découpés aux mille couleurs, de ses aquarelles chatoyantes... bref, l’expression d’un génie. Impossible de dégager une pièce maitresse au sein de cette exposition inédite -celle de Toulouse montrait d’autres œuvres- tant cet ensemble mérite que l’on s’y attarde, que ce soit dans l’avant-dernière salle avec les évocations quasiment abstraites de son Chtulu en grand format, à taille humaine, ou dans la dernière où le grand Lorenzo Mattotti lui rend hommage et souligne son héritage fondamental. Cette exposition est très probablement l’une des plus marquantes visuellement et on appréciera le soin porté à la scénographie et aux choix des illustrations, éclectique mais impressionnant, à l’image de l’œuvre de Breccia.
La BD mise en scène
Ce qui distingue le Pulp de tous les autres festivals, c’est la qualité de la scénographie de ses expositions. C’est que nous sommes ici dans une scène nationale où l’on sait construire des décors et mettre en scène. Pulp est un lieu unique où la bande dessinée dialogue avec le théâtre, notamment par les spectacles qui résonnent en regard de la programmation : Ainsi, Dans le grand théâtre, Bachar Mar-Khalifé et Lamia Ziadé animent, en musique et en dessin, l’album de la dessinatrice libanaise Ô Nuit Ô Mes Yeux (Editions POL). Les Trois Brigands de Tomi Ungerer (L’École des Loisirs), actuellement célébré à Strasbourg, occupent également a scène et Yann Dacosta illumine de mots le dessin d’Hugues Barthe dans Qui suis-je ? , tandis qu’Anne Astolfe met en scène la formidable BD Tout Seul de Chabouté (Ed. Glénat).
Leclerc salue Super U
Outre une jouissive exposition Attak qui recoiffre sur le mode de la parodie la mèche de Tintin (mais que fait donc Moulinsart !!!), on signalera une grand ensemble d’estampes signées des plus grands noms de la BD française et internationale éditées par MEL Publishing, la maison d’édition de Michel-Édouard Leclerc, Empreintes Graphiques. Blutch, Christophe Blain, Art Spiegelman, Loulou Picasso du groupe Bazooka, David Prudhomme, Edmond Baudoin, Emmanuel Guibert..., bref les plus beaux graphistes du neuvième art réunis pour une exposition de multiples. Certains sont imprimés sur place en litho ou en sérigraphie. Les prix ? Cela commence à 10, 20 et 50€ selon que l’artiste vous gratifie d’une signature ou de rehauts à l’aquarelle. Un spectacle, en tout cas, magique.
Lors de l’inauguration, Michel-Edouard Leclerc salua ironiquement son collègue du Super U local qui est, si nous avons bien compris, l’un des sponsors du Festival !
Prix PULP
Ce dernier n’en serait pas un sans les manifestations périphériques : des rencontres, des ateliers, un programme de cinéma, des expositions hors les murs... et ce qui constitue l’un des joyaux de cet endroit remarquable, la librairie où l’on retrouve les auteurs exposés et bien davantage. Confiée au réseau de libraires Librest, elle a été le lieu de la remise des Prix PULP qui récompensent deux des meilleures premières œuvres de l’année 2018. Les lauréats ont été Émilie Gleason pour Ted, drôle de coco (Atrabile), notre coup de cœur de la rentrée 2018 qui raconte la vie de son frère Ted, diagnostiqué autiste Asperger, tandis que les frères Gaspard et Ulysse Gry reçoivent le Prix du public pour Un Monde en pièces (Presque Lune), un thriller politique fondé sur un habile parallèle avec le jeu d’échec. Nous avons pu rencontrer les deux auteurs et pouvons vous affirmer qu’un second tome est en déjà route !
Une programmation riche (reportez-vous sur le lien ci-dessous) qui, vous l’aurez compris, vaut le détour ce week-end mais pas seulement puisque les expositions se tiendront, quant à elles, jusqu’au 28 avril.
Voir en ligne : LE PROGRAMME DE PULP 2019
(par Thomas FIGUERES)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Reportage photo : L’Agence BD pour ActuaBD.com