Collabo ou pas ? Au bout des 80 pages de la biographie du fondateur des usines automobiles Renault, les auteurs ne tranchent pas. Ils donnent quelques éléments, mais se gardent bien de juger, comme ont pu le faire les résistants communistes et le premier gouvernement gaulliste de 1945.
Mais revenons au XIXe siècle. Le petit Louis naît dans une famille bourgeoise et, très jeune, étonne déjà par son caractère affirmé et ses idées fixes. Il veut construire des automobiles et rien ne l’arrêtera. Ainsi naîtront les monumentales usines de Billancourt, les avancées en matière de moteur, de technologies... Et la concurrence avec Citroën, bien plus diplomate et meilleur communiquant. La vie de Renault sera rythmée par ses continuels emportements, notamment contre ses subalternes, sa haine des syndicats et ses relations avec les puissants : gouvernements français en guerre, et bien sûr, au cœur de la polémique, occupant allemand.
Dans un style narratif très -voire trop- classique, les auteurs proposent un récit aux planches millimétrées, où personnages et décors bénéficient d’un traitement haut de gamme. Ce qui rend la lecture parfois moins digeste, ce sont ces bulles envahissantes et le choix de montrer Renault en éternel colérique, proférant plus d’insultes et de grossièretés que d’idées intéressantes. On doit reconnaître ainsi que le scénario ne cède en rien à l’hagiographie.
Ce qu’on retient finalement, c’est une vie électrique, polluée par d’incessantes déceptions, y compris amoureuses et familiales. Et on ne s’étonne pas de voir Louis Renault, dans sa prison en 1944, affaibli, hagard et au bord de la démence. De nos jours, les héritiers continuent de réclamer justice [1], car les usines ont été confisquées avant la nationalisation, tandis que le grand patron n’a même pas été jugé...
(par David TAUGIS)
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Renault, les mains noires. Par Antoine Lapasset (scénario) et Benjamin Benéteau (dessin). Le Lombard. Sortie le 27 août 2021. 24 x 32 cm. 80 pages couleur. 16,45 €.
[1] Ils ont attaqué l’État en 2011. Déboutés, ils vont en cassation.