Voici un an déjà que l’annonce de cet album a été faite. Timing parfait, il sort en librairie en point d’orgue de la « Goldoromania », commencée en septembre mais qui prendra toute son ampleur dans la deuxième quinzaine d’octobre. Créé en 1975 au Japon par Go Nagaï, popularisé en France à partir de 1978, c’est donc par un anniversaire mené tambour battant que le « formidable robot des temps nouveaux » s’apprête à déferler sur l’Hexagone.
À l’origine de l’album, Xavier Dorison qui entraîne, sans beaucoup de difficulté semble-t-il, Denis Bajram et les éditions Kana. Rapidement, le projet prend de l’ampleur grâce au « studio virtuel » où certains auteurs se retrouvent pour échanger sur leurs projets, leurs difficultés, partager l’avancement de leur travail. Brice Cossu et Alexis Sentenac, enthousiasmés, rejoignent le groupe, ainsi que Yoann Guillo pour la mise en couleur.
Go Nagaï, contacté, donne son accord en sachant que la France a toujours réservé un très bon accueil à son travail et que les planches d’essai sont déjà prometteuses.
Nous sommes une dizaine d’années après le départ d’Actarus et de Phénicia pour reconstruire Euphor. Vénusia est interne en chirurgie, Alcor est PDG d’une start-up et semble s’ennuyer ferme. C’est alors qu’un puissant Golgoth, l’Hydragon, sème panique et désolation dans Tokyo. Les derniers survivants de la Division Ruine, dirigés par le général Yros d’Arkhen, posent un ultimatum aux terriens : ils abandonnent l’archipel du Japon aux survivants de Véga et les deux peuples pourront cohabiter. Dans une semaine, Hydragon tuera tout être humain qui s’y trouverait encore.
Mais que faire sans Goldorak, alors que celui-ci a disparu des cieux terriens depuis une décennie ? Pourquoi toujours au Japon alors que la Terre est vaste ? Parce que le mont Fuji possède, dans ses entrailles, une importante réserve de lasernium, source d’énergie pour la technologie extraterrestre.
La situation n’est pas si simple et Actarus, prince d’Euphor, est prisonnier dans une base militaire japonaise. Il faudra le libérer et le convaincre de remettre Goldorak en service. Que fait-il là, barbu et hirsute ? Qu’est devenu son projet de reconstruire Euphor ? Et quel sombre secret porte-t-il avec lui ?
Il est certain que cet album véhicule une grosse dose de nostalgie pour quarantenaires et cinquantenaires. Les auteurs l’assument d’ailleurs totalement avec un clin d’œil à la BO de la série, malicieusement diffusée par le professeur Procyon dans les haut-parleurs du centre spatial secret alors que le groupe remet en état Goldorak.
Et le premier tiers de l’album remplit parfaitement ce rôle : voici arrivée la patrouille des aigles (Alcor, Vénusia et Phénicia dans leurs vaisseaux respectifs, accompagnant Actarus), luttant contre ce Golgoth qui semble être bien plus dangereux que ceux affrontés par le groupe jusque là.
Et nous retrouvons Mizar et Banta, qui sont devenus de jeunes adultes, le ranch du bouleau blanc, un peu poussiéreux, et Rigel, son fantasque propriétaire, en chaise roulante...
Se limiter à cela aurait donné un album sympathique, vite lu et vite oublié. Un énième combat du mécha.
Et c’est bien pour cela que l’album va plus loin.
Attention : La suite de cet article comporte quelques révélations sur le scénario -
Actarus n’est pas le héros sans peur et sans reproches de nos souvenirs. Il a mûri, il est fatigué de tous ces combats et de tous ces morts.
Sans surprise, la reconstruction d’Euphor s’est terminée par un drame (sinon Actarus ne serait pas revenu sur Terre) et notre héros se sent responsable. Sans Goldorak, l’histoire n’aurait-elle pas été différente, moins dramatique ? La paix doit-elle forcément passer par l’annihilation de l’ennemi ? Comment sortir de cette spirale de violence ?
C’est à cette réflexion que nous invitent les auteurs. Et dans le cheminement intérieur d’Actarus, un personnage inattendu va jouer un rôle fondamental : Rigel. survivant de la guerre du Pacifique contre les Américains, il a, lui aussi, vécu à son niveau ce questionnement. C’est une scène très forte où Rigel, personnage amusant mais sans profondeur dans la série, prend une tout autre dimension.
Rassurons-nous, nous somme bien dans un album de Goldorak et pas dans un album de pensées philosophiques. Mais les auteurs nous proposent une profondeur et une maturité bienvenues.
Tout n’est pas exempt de questionnements et peut-être de défauts, chacun jugera, et la fin est peut-être emprunte d’un peu trop de bons sentiments.
Toutefois, nous avons là un album qui termine bien cette série emblématique (il s’agit bien de la suite de l’animé et pas de la suite des mangas que Go Nagaï a développé différemment, avec une fin beaucoup plus sombre et tragique) et qui va au-delà d’un simple bain de jouvence (toujours agréable).
Un dossier documentaire permet de comprendre l’attachement des auteurs à cet univers mais aussi leur façon de travailler à cinq. On voit bien l’importance du story-board, élément-clef permettant de lier le travail de tous les auteurs. Mais aussi l’importance de la couleur et des textures. Cet album ne pourrait pas être imaginé en noir et blanc. Le travail de Yoann Guillo est totalement partie prenante de l’intensité du récit.
Une réussite, incontestablement, qui n’attirera sans doute pas un public jeune qui n’a pas connu la série mais qui comblera et qui surprendra celles et ceux chez qui résonne, dans un coin de leur tête, « Il traverse tout l’univers, aussi vite que la lumière, qui est-il, d’où vient-il, formidable robot des temps nouveau... Il jaillit du fonds de la mer, il bondit jusqu’à Jupiter, qui est-il, d’où vient-il, ce terrible géant des nouveau temps »... [Interprète : Noam, 1978]. [1]
(par Jérôme BLACHON)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Goldorak T. 1. Par Xavier Dorison (scénario), Denis Bajram, Brice Cossu et Alexis Sentenac (dessin). Editions Kana. Collection Classics. Sortie le 15 octobre 2021. 21 x 30 cm. 168 pages noir et blanc. 24,90 €.
Lire également :
Des détails sur les fameux timbres à l’effigie de Goldorak
La machine de guerre Goldorak se met en marche à la rentrée
Goldorak en jeu vidéo chez Microïds
[1] Si l’interprétation de Noam est aujourd’hui la plus connue, d’autres chanteurs ont donné leur voix aux génériques français de Goldorak, et en particulier Enrique.
Participez à la discussion