Pour Whaligoë, vous avez signé de votre prénom et non de votre pseudonyme « Balac », comme c’était le cas pour des séries similaires telles que Sambre ou le Sang des Porphyres. Pourquoi ?
Yann : C’est un choix de l’éditeur.
Au départ, je signais « Balac » pour séparer mes bouquins très humoristiques et très iconoclastes de mes scénarios beaucoup plus « sérieux ».
Oui mais dans le cas de Whaligoë, nous n’avons pas non plus à faire à une BD humoristique.
Yann : Oui... j’aurais peut-être dû signer « Balac ».
Virginie Augustin, comment la rencontre avec Yann s’est-elle produite ?
Virginie Augustin : Cela s’est fait par mail. Au début, je n’ai pas pensé que j’avais à faire au scénariste de Pin-up et je croyais qu’il s’agissait d’un homonyme. J’ai été très surprise car on ne s’attend pas à voir un scénariste de sa trempe vous contacter comme cela par mail. Mais finalement, c’était bien lui. J’étais très heureuse qu’il ait envie de collaborer avec moi et surtout, j’ai été charmée par le scénario qu’il me proposait.
Yann a l’habitude de proposer des scénarios très construits à ses dessinateurs. Dans votre cas, la collaboration s’est déroulée différemment ?
Virginie Augustin : Non, il a procédé avec moi comme avec tous les autres : il m’a livré un synopsis très complet avec les détails case par case. Par contre, il est vrai que j’ai l’habitude de toujours ajouter mon grain de sel et j’ai tendance à me réapproprier les scénarios afin de travailler dans le confort.
Yann, d’où avez-vous puisé l’inspiration pour cette histoire ?
Yann : Si je le savais… Je ne sais pas. C’est le mystère de l’inspiration.
Virginie Augustin, si on compare Whaligoë à votre série Alim le Tanneur, on peut constater un changement au niveau de votre technique de dessin. Pourquoi ce choix ?
Virginie Augustin : Effectivement, avec Alim le Tanneur je dessinais surtout au crayon Critérium. C’est une habitude qui me vient de mon expérience dans le dessin animé. Mais dans le cas de cette BD-ci, j’estimais que cela ne marcherait pas. J’ai donc opté pour l’encre, la plume et le pinceau. Et je crois avoir été bien inspirée car j’y ai trouvé plus d’aisance dans mon travail, notamment dans les aplats noirs. Par ailleurs, j’ai découvert que l’on pouvait évoquer beaucoup de choses grâce au pinceau et mieux retranscrire les ambiances telles qu’on les trouve dans Whaligoë.
Que ce soit dans Alim le Tanneur ou dans cet album-ci, vous cosignez les couleurs. Est-ce pour un gain de temps ou est-ce au contraire parce que vous ne vous sentez pas capable de retranscrire parfaitement certaines ambiances par la couleur ?
Virginie Augustin : C’est une question de gain de temps, en fait. D’un autre côté, il est vrai que je ne suis pas coloriste de formation. Je préfère donc déléguer cette tâche aux personnes du métier. Je pourrais coloriser moi-même mes livres mais je mettrais beaucoup plus de temps à le faire.
À l’époque d’Alim le Tanneur, j’ai eu des incapacités de planning avec la coloriste de l’époque, Geneviève Penloup, et nous n’avons donc pas pu terminer le tome deux ensemble. Il a donc fallu que je m’y colle. Pour le tome quatre, j’avais trouvé un nouveau coloriste mais pour une question de cohérence, j’ai encore mis mon nez dedans afin de réorienter les couleurs. Pour Whaligoë, c’était la même idée. Je voulais vraiment me libérer de cette contrainte là, j’ai donc travaillé avec un coloriste.
Yann, qu’est ce qui vous a attiré dans le travail de Virginie Augustin ?
Yann : Comme beaucoup de monde, je lis des BD. Je suis tombé sur le premier Alim et la couverture m’a complètement accroché ! L’univers développé par Virginie et surtout, le fait que son dessin soit « vivant » m’a beaucoup plu. Son dessin est mouvant. Dans la BD, il y a beaucoup de bons dessinateurs mais ceux-ci développent souvent un dessin « raide ». Par contre, si l’on prend un dessinateur de talent tel que Marini, par exemple, vous serez d’accord pour dire que son dessin « bouge ». Et bien pour moi, Virginie fait partie de cette catégorie de dessinateurs !
« Whaligoë » est prévu en deux tomes mais en cas de succès, envisagez-vous une série ?
Yann : C’est trop tôt pour en parler. Personne ne peut prédire cela. A l’époque ou nous avions fait Pin-up avec Philippe Berthet, nous n’avions prévu que deux tomes. Après cela, Berthet voulait faire un western. Mais les deux albums ont tellement bien marché que rapidement, nous en avons fait trois puis, c’est devenu une série qui dure, près de 20 ans après sa création. Tout est possible !
À l’instar de Jean Dufaux, vous semblez avoir une créativité renouvelée et l’envie de nouvelles collaborations avec des dessinateurs qui ne font pas partie de votre famille d’auteurs. On peut citer par exemple Le Pilote à l’Edelweiss avec Romain Hugault chez Paquet. Il y a eu aussi la publication de Piège sur Zarkass avec Cassegrain chez Ankama et maintenant Whaligoë avec Virginie Augustin. Comment expliquez-vous cela ?
Yann : C’est le chant du cygne des vieux auteurs tels que Jean et moi qui flamboient une dernière fois avant de mourir et de disparaître en fumée (rires) !
Plus sérieusement, il y a un tel foisonnement en BD, dans tous les registres, que j’ai l’impression que tout est possible. Avant, tout était cloisonné. Soit, vous faisiez des polars, de l’humour « gros nez », soit de l’aventure ou de l’érotisme. Alors qu’aujourd’hui, on a des livres du genre de Quai d’Orsay, ou des bouquins du style "Cent recettes de cuisine en BD", etc. Tout est possible ! Tous les éditeurs sont ouverts !
Maintenant, on peut adapter des romans de Stephan Wul car avant, personne n’aurait osé faire ça. Et mes choix de collaborer avec tel ou tel dessinateur dépendent des thèmes et des scénarios que j’ai envie de développer. La bande dessinée est devenue tellement large que c’en est stimulant !
(par Christian MISSIA DIO)
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