L’histoire est connue : au milieu du 19e siècle, à Hambourg, un scientifique, le professeur Lidenbrock, découvre le message d’un alchimiste du Moyen-Âge indiquant une entrée, située en Islande, permettant d’accéder au centre de la Terre. Ni une ni deux, le voilà montant une expédition, flanqué de son neveu, narrateur de cette histoire, et de Hans, guide recruté sur place.
Extraordinaire récit d’aventure, basé sur une improbable expédition, Voyage au centre de la Terre constitue indéniablement une merveille de la littérature populaire, un classique que les jeunes lecteurs français ont longtemps été appelés à croiser durant leur scolarité ou leur apprentissage de lecture. L’adaptation en manga apparaît d’abord comme une manière de faire découvrir au lectorat japonais un de ces grands classiques occidentaux. Mais son arrivée chez nous, dans une belle édition, ouvre de nouvelles perspectives et pose d’autres questions.
Non seulement le récit source demeure accessible aux lecteurs, même les plus jeunes, mais il a déjà connu plusieurs adaptations en bande dessinée, comme celle de De La Fuente en 1979. Certaines classiques, comme celle par Curd Ridel et Frédéric Garcia, publiée en 2011 dans les Indispensables de la Littérature en Bande Dessinée chez Glénat, et à nouveau parue cette année dans une collection en partenariat avec Le Monde. D’autres qui semblent plus originales et artistiques dans leur approche, comme ce tout récent volume paru au Québec chez la Pastèque et signé Matteo Berton.
La version manga de Norihiko Kurazono s’inscrit plutôt dans une veine classique. Le lecteur qui connaît l’œuvre originale aura plaisir à retrouver péripéties et personnages ainsi que l’univers dépeint. Pas d’écarts, guère de surprises frappantes, hormis ce moment dans le noir absolu vécu par Axel, le héros. Mais des codes mangas qui mettent en relief l’expressivité des personnages et notamment le caractère du professeur Lidenbrock, de manière humoristique et bien trouvée.
Pour le lecteur de manga étranger aux mondes et aventures de Jules Verne, cette série constitue une jolie porte d’entrée qui pourrait, espère-t-on, l’inciter à ouvrir le roman d’origine. Bien que la fidélité de l’adaptation, qui conduit à voir le récit développé sur plusieurs volumes de plus de 200 pages chacun puisse donner l’impression que la lecture du manga pourrait dispenser de la lecture du roman. C’est bien là un risque : voir le manga se substituer à l’œuvre littéraire pour un certain public, dont on peut toutefois se demander s’il aurait de toute façon lu cette dernière.
Mais globalement, cela nous a semblé un peu laborieux. Certes, on pourrait en dire autant du roman, qui met des pages et des pages avant de nous plonger dans l’antre du volcan. Mais les mediums employés ne sont pas les mêmes justement, il nous a semblé que le manga ne décollait réellement qu’au tome 2. Il faut attendre que les personnages se confrontent aux difficultés de l’exploration et découvrent les merveilles du monde souterrain pour que le récit s’anime.
Graphiquement le trait de Norihiko Kurazono se révèle précis et efficace. Il offre quelques mise en image de la roche, des cavernes et de certains phénomènes extraordinaires. Mais, manga oblige, on en demeure au noir et blanc, ce qui pourra sembler frustrant pour un récit aussi coloré que Le Voyage au centre de la Terre. D’autant que cette contrainte n’est que peu exploitée et explorée pour donner sens aux épisodes narrés. Et, manga toujours, on observe aussi de fréquentes cases au fond vide.
Impression mitigée au final. Entre plaisir de redécouvrir un classique de la littérature assez fidèlement adapté et proposé dans une édition soignée, et relative déception que le passage au manga ne soit pas l’occasion d’insuffler quelque chose en plus au récit original, que l’on peut toujours, d’ailleurs, retrouver ici.
(par Aurélien Pigeat)
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