Un nouvel endroit, pour redémarrer, c’est tout ce que souhaitent les Rooks. Charlie, le père, auteur jeunesse, la mère, Lucy, en fauteuil roulant suite à un accident de la route, et la fille, Sailor, adolescente fragile. C’est que la famille a été contrainte de déménager suite à une affaire de harcèlement dont Sailor était victime. Et ils décidèrent d’aller loin, très loin de leur ancien domicile, au sein d’une région reculée, dans la bourgade de Litchfield environnée de forêts vastes et profondes.
Mais, rapidement, les choses dégénèrent. D’étranges formes les scrutent dans la nuit, des ombres les suivent en bordures des bois, mais à part eux, personne ne semble sensible à ces signaux diffus mais constants d’un mal tapi au plus près d’eux et prêt à jaillir. Deviendraient-ils fous ? Ou bien un secret, ou tout du moins un mystère, hanterait-il effectivement ces lieux dans lesquels les Rooks n’auraient sans doute jamais dû venir ?
Haletant et angoissant, Wytches offre une montée de la tension et de l’effroi tout bonnement exemplaire, d’une qualité absolument remarquable. On tremble à mesure que se déroule cette plongée dans l’horreur et la terreur, révélations et confrontations venant parfaitement rythmer cette quête d’un père pour sauver sa fille.
Cette année déjà, Scott Snyder nous avait offert une nouvelle version de la sirène, avec son compère Sean Murphy, dans The Wake, titre qui nous avait séduit par sa manière de proposer une refonte d’un mythe classique. Il récidive donc, cette fois en s’emparant d’une menace surgie non plus des eaux mais des bois, avec les sorcières.
Ou plutôt les "sorcyairs", puisque ces créatures imaginées par Scott Snyder ont droit à une nouvelle appellation tant elles s’écartent du motif initial tout en en récupérant les fondamentaux. Dévoreuses d’enfants, habitant au milieu des bois et dotées de pouvoirs qui peuvent sembler magiques : voilà ce qui les rapproche des sorcières que nous connaissons.
Mais c’est bien tout, car les sorcyairs de Wytches apparaissent rapidement avant tout comme des prédateurs sûrs de leur force, tenaces, et opérant en meute. Le trait de Jock en fait de véritables créatures de cauchemar n’ayant, physiquement, pas grand chose d’humain, même si l’on parvient, et c’est le talent du dessinateur, à reconnaître dans la forme qui leur est donnée des éléments structurels de la figure de la sorcière.
De son côté, le travail de colorisation effectué par Matt Holligsworth se révèle assez stupéfiant par sa capacité à instaurer cette ambiance pesante, mystérieuse et détraquée qui habite la série, à la base déjà assez lugubre par l’atmosphère automnale qui sert de cadre à l’action. Un bonus en fin de volume détaille ainsi les étapes de ce processus artistique durant lequel le coloriste ajoute aux planches diverses taches, à l’aquarelle et à l’acrylique, pour obtenir ce rendu si particulier.
Notons enfin, pour parachever le tout, la présence en fin de tome du courrier des lecteurs auquel répond longuement Scott Snyder. Il y livre ses inspirations et son cheminement imaginaire, ses préoccupations et même ses hantises. Développements passionnants qui rehaussent encore la valeur de la grande réussite que constitue Wytches.
(par Aurélien Pigeat)
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