Il semble que Michel Durand, dessinateur habituellement grand public, ait eu besoin de créer Durandur, ce double peu fréquentable, pour laisser éclater son inspiration la plus obscène. Il a commencé à utiliser ce versant sombre de son art avec Jodorowsky en créant, en 1995, Gilles Hamesh, détective nageant dans le sordide. Puis, un premier album en solo au titre tout en retenue : Durandur encule tout le monde.
Les références qui viennent en tête ici n’évoquent pas la BD : le Pasolini de Salo ou les 120 journées de Sodome, le Marco Ferreri de la grande bouffe... Et tiens, des groupes de rock violent aussi : une pincée de Gogol 1er (le punk obscène par excellence) et de Heavy Metal ultra gore à la Anal Cunt ou Gronibar(des groupes qui bravent la censure à longueur d’album). Seuls Vuillemin ou le Reiser le plus noir et le plus déchaîné peuvent s’avérer proches de Durandur s’excuse.
L’auteur, en 120 pages noir et blanc, aligne quatre histoires scato et loufoques. Dans la première, une conversation diplomatique polie est interrompue par une inondation d’urine. Nous voyons ensuite deux femmes regarder un film érotique trash mettant en scène une femme enceinte. Puis arrive une histoire bien virile avec des pêcheurs en haute mer. Dans leurs filets....des hommes. Qui seront à leur menu dans tous les sens du terme. Enfin, le dernier récit met en scène une jeune femme atteinte de troubles intestinaux qui passe son temps à se plaindre de ses déjections tout en étant fascinée par sa production.
Durandur utilise un style graphique proche parfois du dessin de presse (Kerleroux par exemple). Son trait nerveux et dynamique reste extrêmement sobre sans jamais négliger ses personnages.
Souvent, la lecture de cet opus nécessite de bien s’accrocher. Bien des fois aussi, on trouve ça dégueulasse. C’est probablement le but. Mais parfois, on sourit, et on s’étonne qu’un éditeur ait accepté ça. Visiblement le genre d’objet à devenir culte. Au fait, il paraît que le numéro de téléphone est réel...
(par David TAUGIS)
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