Londres, la nuit. Plusieurs personnages au destin plombé se succèdent dans de courts épisodes. Ce PDG d’un groupe puissant, hospitalisé et en proie à des hallucinations mortifères ; cette junkie mignonne comme un coeur qui compte sur sa soeur infirmière pour obtenir ses doses manquantes ; ce psychiâtre qui sous ses allures de grand professionnel cache un esprit hanté par le désir de vengeance et la frustration...
Autant d’êtres qui souffrent, à la limite du déséquilibre psychologique... On comprend à mi-parcours de cet album passionnant qu’ils sont tous noyés d’une manière ou d’une autre. L’événement déclencheur qui relie tous les personnages a eu lieu sur un bateau, entraînant une mort par noyade, et donnant tout son sens à cette notion d’engloutissement. Dans un final magistral, les fils vont se nouer et les relations entre les protagonistes s’éclaircir, avec à la clé, un nouveau drame.
Nabiel Kanan, déjà auteur d’un roman graphique remarquable évoquant le questionnement autour de la notion d’engagement (Birthday Riots) signe ici un album d’une force immense, qui vient se placer parmi les plus belles réussites du genre. Il convient de saluer ce talent venu de Grande-Bretagne, un pays qui ne connaît pas un engouement pour le 9ème art comparable à nombre de ses voisins.
Cette histoire très dialoguée, qui charge parfois lourdement les mauvais rôles (l’abominable épouse du PDG, machiavélique), recèle une grande profondeur psychologique. Mettant en scène des hommes et des femmes qui pourraient incarner des stéréotypes, Kanan leur insufle des emportements profondéments humains. Ces noyés, prisonniers de sentiments qui les dépassent, possèdent une dimension romanesque qu’on se doit de saluer avec enthousiasme.
(par David TAUGIS)
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