En regardant les travaux de Joost Swarte, on en arrive à comprendre que chez lui, la bande dessinée est héritière des arts appliqués. Quand il regarde le dessin George McManus (Bringing up Father), il perçoit immédiatement sa dimension Art déco et si son inclination va immédiatement vers Hergé, c’est qu’il a repéré chez le dessinateur bruxellois, en particulier dans ses travaux d’avant-guerre, la résonnance d’une esthétique proprement Bauhaus. Il en retient notamment, dans ses dessins en couleurs, les aplats uniformes sertis d’un trait noir uniforme au vibrato discret. Rien d’étonnant que ce designer fasse les couvertures du New Yorker, où il peut exalter les lignes architecturales de l’Ecole de Chicago dont il reprend les principes conducteurs : pragmatisme, rationalité et utilitarisme.
Cet ouvrage réunit un choix d’illustrations qu’il a faites pour célébrer le livre, la lecture : couvertures de magazines, affiches, bandes dessinées ou vitraux (pour le Couvent Sainte-Cécile, siège des éditions Glénat), d’où son titre : Biblio.
Mais il ne s’arrête pas là, arpégeant sur la typographie et sa dimension esthétique et métalinguistique, de l’ordre de la fonction conative dont parle Jakobson : le pictogramme. Il ne se contente pas de s’attarder sur la lisibilité, il confère à la lettre une véritable identité esthétique. Il y a une « lettre Swarte », comme il y a une lettre Peignot ou Garamond (ou une lettre Hergé, celle des titrailles des albums Tintin, souvent parodiées, dont la paternité reviendrait à Edouard Van Nijverseel, alias Evany, compagnon de route d’Hergé devenu, dans l’après-guerre, directeur artistique du Journal Tintin). Là encore, nous sommes dans le domaine des arts appliqués.
C’est donc ce très beau recueil, parfaitement mis en page et très bien imprimé (Swarte y veille…) que nous proposent les éditions Dargaud. Un parfait manuel de design qui devrait intéresser plus d’un lecteur intéressé par la bande dessinée comme par les arts graphiques.
L’exposition des travaux de Joost Swarte : "À livres ouverts" est encore visible jusque fin mars à la Maison de la BD à Blois.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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