En 1998, le monde fut divisé en provinces autonomes après l’apparition de Choujin, des humains touchés par une étrange maladie leur conférant tantôt des pouvoirs exceptionnels, les plongeant tantôt dans une folie meurtrière.
50 ans plus tard, chacun essaie de vivre sa vie dans ce monde instable, et on croise la route de Tokio, un jeune collégien sans histoire qui vit dans l’ombre de son meilleur ami Azuma. Ils tracent leur route entre galères de collégiens et espoirs d’une vie meilleure, avec un Tokio fasciné par son ami qu’il trouve courageux, fort, intelligent : tout ce qu’il rêverait d’être.
Jusqu’au jour où, pendant une baston contre des petites frappes, les deux jeunes hommes sont exposés à la substance qui provoque la mutation en Choujin. Des deux, il semble que ce soit Tokio qui réagisse le "mieux", et il se retrouve doté d’un pouvoir aussi puissant qu’incontrôlable. Et une mystérieuse organisation semble bien déterminée à mettre la main dessus...
Devenir un monstre, ça vaut le coût ?
Sui Ishida a une griffe particulière qui colore toutes ses œuvres. Une capacité à insuffler de la noirceur et de la maturité presque de manière imperceptible mais bien là. Choujin X, comme Tokyo Ghoul, est pétri de cette noirceur. Et bien que la série soit classée shonen par l’éditeur, elle dégage une aura qu’on retrouve peu dans les autres titres du genre.
Par le dessin, particulièrement obscur, et les chara-design dérangeant et torturés, Ishida nous met mal à l’aise même face à nos héros. Ce premier tome pose les bases de son univers et lance doucement l’intrigue, avant de s’emballer dans le dernier chapitre (et de nous laisser sur un cliffhanger à s’arracher les cheveux).
On retrouve le rythme atypique de Tokyo Ghoul, mis cette fois au service d’une intrigue qui se veut tout de même un peu plus chaleureuse. On devine que l’auteur explorera notamment la question des super-héros ou des figures porteuses d’espoirs, assurément deux dimensions absentes de Tokyo Ghoul.
S’il reprend donc plusieurs ingrédients qui ont fait le succès de son premier né, l’auteur nous propose une série radicalement différente. Il explore toujours son obsession pour le monstre et l’humanité, le rapport entre ces deux pôles, mais sous un angle un peu plus frontal, mais ambigu. On sait qui sont les méchants, et qui sont les gentils, et on ressent même quelques effluves agréables d’un My Hero Academia.
Le héros aura de quoi susciter une vraie identification chez les jeunes lecteurs et lectrices, et il faut absolument saluer l’audace d’Ishida qui a osé lui offrir une "transformation" tout bonnement cauchemardesque, aux antipodes de ce qu’on attend d’une transformation d’un héros de shonen. Les scènes d’action sont ultra-punchy, peu nombreuses dans ce premier tome mais on en aura pour notre argent dans la suite.
Avec Choujin X, Sui Ishida signe un retour réussi dans un registre qui le sort assez de sa zone de confort. C’est plaisant de redécouvrir son trait et ses gimmick narratifs, même si le premier tome reste au final assez chiche dans le développement de l’intrigue. On a encore un peu de mal à discerner où on va, et cette lenteur à la mise en place risque de rebuter quelques lecteurs. On attend la suite avec impatience pour trancher mais pour le moment, on est charmé.
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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"Choujin X" - par Sui Ishida - 26/10/2022 - 262 pages - 7€90.
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