"Il y a une chose que les Blancs qui ont arrêté la circulation de "Tintin au Congo" n’ont pas comprise. Cette chose, la voici : si certaines images caricaturales du peuple congolais données par Tintin au Congo font sourire les Blancs, elles font rire franchement les Congolais, parce que les Congolais y trouvent matière à se moquer de l’homme blanc qui les voyait comme cela !"
Cette citation [1] est extraite du journal congolais Zaïre. Cependant, tous les Congolais ne semblent pas d’accord avec cette appréciation, car l’un d’entre eux a entamé en Belgique, en 2007, une longue procédure judiciaire tentant de faire interdire l’album.
Ce ne fut qu’un épisode de plus parmi les diverses péripéties qui ont émaillé l’histoire de ce qui est, après "Tintin au Pays des Soviets", le second livre maudit d’Hergé.
Les déboires débutèrent au début des années soixante. En pleine période de décolonisation, la vision du "Noir" (décrit comme "inculte", "sauvage" et "pas très futé") et du "Blanc" (bien évidemment supérieur, intelligent et civilisé), le parler "petit nègre", faisaient tache et l’on fit pression sur Casterman pour qu’il le retire de la vente. Il fut longtemps épuisé. Une décision revue quelques années plus tard, "Tintin au Congo" rejoignant les autres albums dans l’édition traditionnelle à dos carré.
En 2007, ce qui devint finalement "L’Affaire Tintin au Congo" éclatait, par une plainte déposée par un citoyen congolais contre la société Moulinsart et l’éditeur Casterman. Une plainte relayée par le CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires de France), par l’ambassadeur de la République du Congo... et que le plaignant relaya même auprès du roi des Belges, menaçant finalement d’une grève de la faim s’il n’obtenait pas satisfaction. Avant d’en appeler à la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Une affaire emblématique pour la liberté d’expression. Le tribunal décida, logiquement, qu’un album tel que celui-là représentait uniquement la vision des années 1930 et qu’il s’agissait d’une œuvre de fiction dans laquelle Hergé pratiquait "un humour candide et gentil". On peut ne pas être d’accord avec cette dernière appréciation, mais il en ressortait néanmoins une décision réconfortante, car elle ne suivait pas la tendance au "politiquement correct", qui fait tellement de dégâts par ailleurs. Une tout autre décision aurait impliqué de facto la censure de milliers d’autres œuvres du patrimoine culturel.
Cette affaire fut suivie et commentée par Nicolas Anspach, Charles-Louis Detournay et Didier Pasamonik sur notre site. Ce livre compile leurs articles, accompagnés d’une sélection des réactions qu’ils ont provoquées. C’est le premier volume de la collection "Chronologie de la bande dessinée", que nous lançons à l’occasion des 20 ans d’ActuaBD.
Ce livre est disponible en version papier, ainsi qu’en version numérique aux formats Kindle et PDF.
(par Patrick Albray)
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[1] Citée par Benoit Peeters dans sa bibliographie Hergé, fils de Tintin (Flammarion, 2002).
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