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Disparition d’Alfredo Castelli, grand auteur italien de bande dessinée et érudit du 9e Art

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 février 2024                      Lien  
Alfredo Castelli, figure majeure de la bande dessinée italienne contemporaine, homme de presse, de télévision et de radio, est décédé le 7 février 2024 à l’âge de 76 ans. On le connaît surtout comme le créateur de "Martin Mystère", adapté à l’écran, mais ses créations étaient bien plus nombreuses. Scénariste, historien de la bande dessinée, journaliste, fondateur et collaborateur de revues, contribuant au "Corriere dei Ragazzi", il a beaucoup écrit pour Bonelli Editore, que ce soit pour les séries "Zagor", "Mister No" ou "Dylan Dog". C’était un des scénaristes les plus importants de ce grand éditeur italien pour lequel il a travaillé « depuis 1971 jusqu'à il y a quelques jours, en tant qu'éditeur et scénariste », d’après le communiqué de l’éditeur qui annonce son décès. C’était aussi un érudit et un chercheur passionné de l’histoire de la bande dessinée. On lui doit quelques essais pionniers sur ce sujet.

Cela fait quinze jours que je tourne autour de l’annonce de la disparition d’Alfredo Castelli, un auteur épatant, passionné, que j’aimais beaucoup et que j’avais toujours plaisir de rencontrer que ce soit à Milan, Carrare, Paris ou Zagreb. Trop de boulot et puis aussi parce que dans l’équipe d’ActuaBD, j’étais un des rares à le connaître personnellement.

« En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » constatait l’écrivain Amadou Hampâté Bâ. En Europe aussi. Alfredo avait accumulé une somme de connaissances sur l‘histoire de la bande dessinée et sur la littérature populaire qu’il n’avait pas complètement consignées dans ses écrits. On les perd avec lui.

Il naît à Milan le 26 juin 1947. Il entre très jeune dans la bande dessinée, mais pas seulement. « Enfant, j’avais un besoin inné de communiquer, me confiait-il dans un français très correct. J’aurais voulu faire de l’animation, mais c’était compliqué. J’ai alors pensé à la bande dessinée. Mais je dessinais très mal, j’ai su très vite qu’il valait mieux que je dédie mon activité à l’écriture  ». [1] Cela ne l’empêche pas d’assurer scénario et dessins pour la série Kolosso, ni de créer Scheletrino (Mortibus) pour les petits formats de Diabolik des éditions Astorina. « C’était mon premier job commandé et payé ! » déclarait-il fièrement. Il n’a pas vingt ans. La même année, là c’était un peu plus bénévole, il crée le premier fanzine italien de BD, Comics Club 104.

Disparition d'Alfredo Castelli, grand auteur italien de bande dessinée et érudit du 9e Art

Dès l’année suivante, aux côtés de collaborations diverses pour des revues comme Topolino (le Journal de Mickey italien), il écrit ses premiers scénarios pour la TV (Cappuccetto, Taca banda, Antenati, Tuttostano...), plus tard son premier long métrage : Il tunnel Sotto il mondo. Il continue sa carrière en passant régulièrement du papier à l’écran.

On ne saurait recenser ici toute sa production, mais il est dans toutes les équipées des années 1960-2000. Signalons sa participation très précoce à Zagor (Molok) pour la Bonelli Editore et aux Bourlingueurs de l’espace dans Il Giornalino.

Les années 1970 le voient arriver en France alors qu’il devient le responsable de la revue Corriere dei Ragazzi, où il travaille comme rédacteur en chef avec Hugo Pratt, Bonvi,… tandis qu’il assure le scénario de la série dessinée par F. Tacconi : Gli aristocratici (Les Aristos ou Les Gentlemen en France, publiés dans Tex, Pif Gadget et Super As et en albums chez Novedi/Hachette).

Chez Bonelli, outre ses collaborations sur Zagor et Mister No, il réanime le personnage d’Allan Quatermain d’Henry Rider Haggard qui préfigure non seulement les Aventuriers de l’Arche perdue de Spielberg, mais aussi sa série Martin Mystère (1980), qu’il conçoit d’abord pour la télévision avant d’en faire une série à part entière chez cet éditeur, une série qui lui vaut une reconnaissance internationale.


« Martin Mystère est un homme curieux de tout, qui aime débusquer le côté caché, mystérieux, les énigmes ancestrales tapies dans chaque chose, déclarait-il. Ce n’est pas, comme on le dit habituellement, un « détective de l’impossible », mais un détective du possible. On est entre Mandrake, The Spirit et Blake et Mortimer…  »

Il était reconnu pour livrer ses histoires à la dernière minute : « J’ai peut-être besoin d’adrénaline pour travailler  », s’excusait-il en riant.

Alfredo Castelli en 2015.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Ses relations avec Sergio Bonelli (1932-2011), « sans doute le plus grand éditeur en Italie » (Castelli dixit), sont faits de rapports rugueux : « C’était une forme de mariage, avec des hauts et des bas, des moments de détestation et de grand amour… » Pour lui, il écrit moult scénarios pour Dylan Dog, Zagor, Mister No, Ken Parker et contribue à la collection Un Homme, une aventure : L’Homme des neiges, pour Milo Manara et L’Homme de Chicago avec Giancarlo Alessandrini. Il avait été distingué par plusieurs Yellow Kid en Italie. C’était un grand passionné de bande dessinée à la vie bien remplie.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1Entretiens inédits de Didier Pasamonik avec Alfredo Castelli, juin 2015.

Martin Mystère ✍ Alfredo Castelli Italie Décès 2024
 
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