C’est un de ces projets laborieux dans lesquels Bernard Yslaire a bien failli se perdre. Son ambition ? Rien moins que faire un portrait du XXe Siècle à l’aube du XXIe naissant, avec ce qui apparaît comme son accomplissement : les "nouvelles technologies", alors étiquetées sous le truisme de "multimédia".
Une première publication, Introduction au XXe Ciel, a lieu chez Delcourt en janvier 1998. Sa démarche expérimentale revendiquée (l’album est issu d’un site Internet dédié, chose banale de nos jours) étonne les lecteurs de Sambre.
Le volume reparaît deux ans plus tard aux Humanoïdes Associés, avec un nouveau titre : XXeciel.com/mémoires 98. En 2001, un nouvel album paraît : XXeciel.com/mémoires 99. Les deux volumes sont commercialisés dans un même fourreau.
En novembre 2003, toujours aux Humanos, deux nouveaux volumes apparaissent Mémoires (19)00 et Mémoires (20)00. "Deux versions, deux vérités, deux interprétations du siècle" avec la même base de données, nous vend-on. Un coffret réunit les quatre albums.
Dix ans plus tard, c’est au tour de Casterman de prendre le relais, qui réunit tout ce travail dans une intégrale en décembre 2013.
Qui est l’ange ?
De la profusion des images et des sens de cette fin de millénaire, sidérante mais aussi de plus en plus addictive, Yslaire tire un fil rouge : la mémoire d’une femme centenaire mourant avec le siècle. Son héroïne est viennoise, psychanalyste, disciple de Freud. Elle s’appelle Eva Stern. Stern parce que la symbolique des étoiles est partout présente dans cet album : « Je suis parti sur la base des étoiles qui ont façonné l’image de ce siècle (étoile jaune, rouge, de l’Europe, de l’armée américaine...), j’ai imaginé que ce n’était pas un hasard si ces symboles avaient été utilisés aussi souvent par des peuples opposés et pour des causes différentes. Mais que, peut-être, il y avait un sens commun, à savoir une quête des étoiles, une course à l’espace toujours présent de façon inconsciente au niveau collectif » témoignait Yslaire en 2001. [1]
Notre héroïne voit dans ce défilement d’images une figure récurrente : un ange. Qui est-il ? Est-il ce messager virtuel qui, au travers d’Internet, envoie régulièrement des images ? Est-il le symbole de ce que les nouvelles technologies et même la psychanalyse n’ont jamais réussi à réduire en dépit de leur puissance rationnelle : la foi ?
Yslaire n’en donne pas le fin mot, mais on comprend bien, par analogie, que c’est bien l’auteur, pourvoyeur d’images et grand mystificateur iconique lui aussi, qui l’incarne le mieux.
Toutes les interprétations l’agréent : rien de tel qu’une œuvre qui interroge...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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