Il était une fois l’escalade - Par Destivelle, Chambre & Bidot - Les Arènes BD/Ed. du Mont-Blanc

Pourtant, elle débute bien. Catherine Destivelle et David Chambre, qui scénarisent la BD, commencent par retourner très loin dans l’histoire pour montrer que les hommes ont toujours grimpé des arbres, des murailles ou des falaises pour se nourrir, se protéger ou prendre d’assaut une forteresse. Mais très rapidement, l’ouvrage devient un catalogue trop répétitif de personnalités et de lieux de grimpe. Le simple profane a de plus en plus de mal à suivre et à percevoir l’intérêt de ces 160 planches.

Les prouesses s’enchainent et se ressemblent, du moins dans le livre, car dans la réalité, il est certain que chaque individualité et exploit racontés ici ont dû marquer et marquent encore le monde des valeureux prêts à braver n’importe quel danger pour se surpasser ou surpasser un autre grimpeur, ou pour être le premier à franchir un mur naturel jugé imprenable.

L’ouvrage met aussi en valeur les changements techniques qui apparaissent au fil du temps, mais là encore, comme dans de trop nombreux livres d’histoire, le glossaire se trouve à la fin et nécessite une rupture dans la lecture et dans une narration qui est déjà pas mal saccadée. Celle-ci est encore plus hachée par la consultation de tous les liens Youtube proposés via les QRcodes incrustés dans certaines cases de la BD.

Le trait réaliste de Laurent Bidot, qu’on a vu il y a peu de temps dans un autre ouvrage dont la thématique n’avait rien à voir avec celle-ci (Après la Rafle), ne sauve pas l’ouvrage. Malgré les qualités graphiques du dessinateur et sa volonté de faire au mieux pour coller à la réalité et à la diversité des paysages explorés, les plans rapprochés restent ceux représentant des hommes ou des femmes accrochés ou pendus à une paroi rocheuse.

Quelques anecdotes un peu croustillantes ponctuent cependant cette succession de présentations des pionniers de ce sport. Elles auraient peut-être pu être mieux mises en valeur ou constituer des entrées plus dynamiques pour chaque chapitre. Elles sont malheureusement trop rares.

Mentionnons par exemple cet accident de 1976 pendant lequel un avion qui transportait 2,5 tonnes de marijuana s’est écrasé dans la Sierra Nevada. Le crash attira tout un tas de grimpeurs hippies dont le niveau de vie explosa durant quelques temps. Il est tout aussi surprenant d’apprendre que certains de ces sportifs de l’extrême, qui ont couru les plus grands dangers, sont décédés dans des accidents domestiques ou de voiture.

Ce récit méritait-il d’apparaitre sous forme de BD ? Si oui, pour quelle plus-value ? A chacun de juger. Peut-être s’adresse-t-il à un public de connaisseurs qui veulent dépasser la simple biographie de tel ou tel grimpeur ? Peut-être que l’ouvrage doit plus se lire comme un dictionnaire, par petites touches, plutôt que d’une traite, en y associant le plaisir de regarder le dessin et d’approfondir ensuite par les extraits vidéo ? On pourra alors se renseigner sur les équipements avant d’aller chausser ses souliers d’escalade, ou mieux, grimper pieds nus les rocher de la montagne la plus proche. Ou probablement vaut-il mieux ne pas le mettre entre les mains d’« incultes » et que ce livre à la belle couverture rugueuse n’a pas convaincus de s’intéresser au sujet…