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Jeanne Puchol : "La création est forcément différente d’un sexe à l’autre."

Par François Boudet le 15 décembre 2008                      Lien  
Outre le fait d'être une talentueuse auteure de bande dessinée depuis plus de vingt ans, Jeanne Puchol est également depuis l'année dernière la présidente de l'Association Artémisia "pour la promotion de la Bande dessinée féminine".

Jeanne Puchol, pourquoi promouvoir la bande dessinée féminine particulièrement ? Y-a-t-il réellement une différence entre une bande dessinée "féminine" et une bande dessinée "masculine" ?

Pour répondre à la première partie de cette question, je citerai le début du manifeste que nous avons publié en novembre 2007 pour le lancement d’Artémisia, et dont l’intégralité figure sur notre blog : "Parce que la création BD au féminin nous semble peu connue et reconnue, peu valorisée et éclairée, quelques arbres surexposés cachant la forêt des talents laissés dans l’ombre ou à l’abandon. Parce qu’un regard féminin sur la production BD nous paraît essentiel. Parce que se donner le pouvoir de reconnaître et non pas seulement de produire est un enjeu et un symbole des plus importants pour les femmes qui participent à cette aventure. Parce que la BD destinée à tous et largement diffusée, reste un média dominé par l’imaginaire masculin, qui véhicule des stéréotypes écrasants."

Pour répondre à la suite de la question, je dirai qu’à mon avis, il n’y a pas UNE bande dessinée féminine et UNE bande dessinée masculine, il suffit de voir la diversité des registres choisis et des styles graphiques mis en œuvre par les unes et les autres pour s’en convaincre. En revanche, il y sûrement des thèmes féminins et une ou des manières féminines de les aborder. Pour donner un exemple personnel, je citerai "Dessous troublants", paru chez Futuropolis en 1986 : j’y prête aux objets les plus banals du quotidien une sensualité quasi érotique dans leur contact avec la maîtresse de maison – on notera l’ambivalence du mot "maîtresse". Certes, en vingt ans, les rapports que les hommes entretiennent avec les tâches domestiques ont sûrement évolué, mais la sensualité diffuse décrite dans cet album est une expérience davantage vécue par les femmes que par les hommes. L’imaginaire, l’inconscient mis en œuvre dans la création, que ce soit en bande dessinée ou dans d’autres domaines, procèdent du corps, des expériences sensorielles et sont forcément différents d’un sexe à l’autre.

Il semble que les auteures femmes soient plus visibles et récompensées par des prix ces derniers temps : Posy Simmonds (qui est dans votre sélection) a reçu le prix de l’ACBD, Chloé Cruchaudet vient de recevoir le Prix Goscinny, d’autres comme Tanxxx et Lisa Mandel sont sélectionnées à Angoulême... Y-a-t-il une réelle reconnaissance ou est-ce uniquement un effet de mode selon vous ?

C’est quand même un phénomène très récent : un seul grand prix d’Angoulême en 35 ans d’existence du festival (Florence Cestac), des palmarès couronnant plusieurs années de suite la même auteure (Marjane Satrapi)… De là à penser que la création du prix Artémisia est pour quelque chose dans cette évolution, il y a un pas que j’aurai la prudence de ne pas franchir…

Le prix Artémisia est doté cette année d’une somme de 3000 euros grâce au soutien actif de Michel-Edouard Leclerc. Que vous apporte ce nouveau partenaire outre cette somme ? N’avez-vous pas peur d’être "récupérées" ?

Michel-Édouard Leclerc est avant tout un homme qui connaît très bien la bande dessinée, à travers le soutien qu’il a apporté au festival d’Angoulême pendant des années ; et c’est un authentique amateur, collectionneur de planches originales. Bien que cela soit difficile de parler à sa place, je pense qu’il voit dans le soutien à notre démarche la possibilité d’amener plus de femmes à la lecture de bande dessinée. On a vu le public évoluer ces dernières années : le lectorat, du moins celui qu’on rencontrait dans les salons, était encore majoritairement masculin il n’y a pas si longtemps. De même que le succès de "Persépolis" a fait venir à la bande dessinée un public qui n’en lisait pas ou peu, une bande dessinée qui s’adresse davantage aux femmes peut leur faire découvrir et aimer ce mode d’expression. Tout le monde a à y gagner : nous, les femmes auteurs, et les libraires, qu’ils appartiennent à la grande distribution ou pas.

Jeanne Puchol : "La création est forcément différente d'un sexe à l'autre."
Le groupe des Artémises avec Michel-Edouard Leclerc
Photo : F.Boudet

Quant au risque de "récupération", il n’est pas plus grand qu’avec des deniers publics, si on y réfléchit un peu ; mais il y a, en France, une méfiance un peu partisane à l’égard des sponsors ou des mécènes privés, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux dans le domaine artistique, y compris les grandes manifestations institutionnelles, il suffit de voir la liste des logos en bas des affiches des grandes expositions, par exemple.

On peut adhérer à l’association Artémisia pour soutenir cette cause. Avez-vous déjà des adhérents ?

Oui, des hommes et des femmes, auteurs ou scénaristes de bande dessinée, mais aussi de simples sympathisants, comme cette femme qui a adhéré à l’issue d’une table ronde, parce qu’elle avait fait du dessin de presse dans le temps… Ces adhésions ont été notre seule source de financement pour démarrer l’association.

Vous-même êtes auteure de bande dessinée depuis plus de vingt ans ; avez-vous eu plus de difficultés que les hommes pour évoluer selon vous ? Est-ce plus facile aujourd’hui ?

LA question à laquelle il est impossible de répondre… parce que quand vous dites "les hommes", j’ai envie de vous répondre "lesquels" ? J’ai sûrement eu plus de difficultés que Joann Sfar, au hasard. Maintenant, si je regarde le catalogue des éditions Futuropolis, chez qui j’ai commencé à publier, je vois les noms de Marc Daniau, qui a abandonné la bande dessinée pour l’illustration, de Götting ou de Chauzy, qui ont atteint une notoriété indéniable, de Séra, qui a rencontré au moins autant de difficultés que moi… Au sein même d’Artémisia, les difficultés rencontrées diffèrent de l’une à l’autre, et sont aussi beaucoup liées à l’époque où elles ont commencé à publier. Je pense que Chantal Montellier, qui a commencé dans les années 1970 a vécu d’autres choses que Sylvie Fontaine qui a démarré dans les années 1990 ou Marguerite Abouet, dont les débuts en 2005 ont immédiatement rencontré le succès.

Vous avez participé dernièrement à l’album collectif "Les enfants sauvés" paru aux éditions Delcourt ; quel est votre prochain album ?

Je viens de finir un album en collaboration avec Rodolphe, qui paraîtra en mars 2009 chez Casterman. Nous avons entrepris une collection qui porte le titre générique et évocateur de "Assassins !" : il s’agit de one-shots consacrés à des affaires criminelles réelles, pas forcément très connues, qui exploreront tout autant le contexte historique et social que la personnalité des criminels eux-mêmes. Je commence actuellement le deuxième volume.

Illustration de couverture pour l’album "Le Docteur !", ed.Casterman
(c) Jeanne Puchol

Pourquoi Annie Pilloy ne fait-elle plus partie de votre groupe ?

Annie fait toujours partie du groupe. Elle a souhaité quitter le jury à la fois pour des raisons personnelles et parce que l’éloignement géographique (elle vit à Bruxelles) rendait certaines choses un peu compliquées : expédition des livres, participation à nos réunions… Le mail c’est bien, mais cela ne remplace pas la convivialité, les rigolades – et engueulades – en direct… Pour la délibération du prix 2008, nous l’avons consultée par téléphone, ce qui a dû être quand même un peu frustrant pour elle.

Quelle a été votre action durant cette première année écoulée ?...

Outre la remise du prix 2008, que nous avons pu faire, de manière inespérée, pendant le festival d’Angoulême, nous avons organisé plusieurs rencontres autour de la lauréate, Johanna, et de son bel album « Nos âmes sauvages » : à Paris (à la librairie Violette & co), à Bordeaux, où Johanna habite (à la Maison des Femmes, avec exposition des originaux et à la librairie Olympique). Des reportages ont été réalisés à chacune de ces occasions et mis en ligne sur notre blog. Toujours sur le blog, nous suivons et promouvons l’actualité éditoriale de nos membres. Nous constituons aussi un réseau d’auteures et de partenaires – librairies, festivals… - que nous mettons en relation pour des dédicaces, des animations, des débats... Nous avons enfin créé un fonds Artémisia à la bibliothèque Marguerite Durand, à Paris. Créée en 1932 par la journaliste et féministe Marguerite Durand, cette bibliothèque est consacrée à l’histoire des femmes et au féminisme. Riche de 40 000 livres, 1 000 périodiques, 4 000 manuscrits et de milliers de dossiers documentaires et iconographiques, elle accueille un public venu du monde entier. Chaque année, en lui faisant don des albums sélectionnés, nous contribuerons à constituer en son sein une collection des meilleurs albums de bande dessinée réalisés par des femmes.

(par François Boudet)

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23 Messages :
  • J’ai toujours eu du mal avec le communautarisme et le sectarisme, faire un fond de bibliothèque sur une sélection aussi arbitraire que le genre de l’auteur est une abberation.Le faire sur les thèmes abordés, ça a un sens, mais sur le fait que les auteurs soit des femmes, c’est stupide. Et que faire des albums co-réalisés par une femme et un homme ?

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    • Répondu par Fred Boot le 15 décembre 2008 à  04:53 :

      Que faire des albums co-réalisés par une femme et un homme ? Et bien je connais des hopitaux en Thaïlande qui peuvent remédier au problème...

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    • Répondu le 15 décembre 2008 à  05:21 :

      Moi non plus je n’ai pas saisi ce que Jeanne Puchol a voulu dire : si la création "est forcément différente d’un sexe à un autre" parce que la société française est encore très fortement marquée par un sexisme profond et que ça marque l’expérience personnelle de chacun, ça a un sens. Si c’est c’est dans le sens qu’hommes et femmes auraient des "sensibilités" naturellement différentes, ça n’est qu’une autre manière de renforcer ce sexisme, parce que la sensibilité "masculine" et "féminine", en soit, ça n’existe pas. Si Jeanne passe par ici, je veux bien qu’elle m’éclaire ;)

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      • Répondu par Jeanne Puchol le 15 décembre 2008 à  11:24 :

        Je me permets quand même de vous faire remarquer que je n’ai pas dit : "la création est forcément différente d’un sexe à l’autre", mais : "l’imaginaire, l’inconscient (...) procèdent du corps, des expériences sensorielles [et non des "sensibilités"] et sont forcément différents d’un sexe à l’autre". Il me semble que j’énonce là une évidence, à savoir qu’il y a deux sexes, et honnêtement, je ne vois pas ce qu’il y a de sexiste à le rappeler. C’est plutôt affirmer le contraire qui l’est, sexiste. Cela dit, je suis touchée de voir le souci qui s’exprime à l’égard du risque de sexisme ou de sectarisme dans ces premiers messages laissés par les visiteurs d’Actua BD ...

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        • Répondu par ActuaBD le 15 décembre 2008 à  12:30 :

          C’est vrai que le titre de l’article est un raccourci des propos de Jeanne Puchol et que c’est ActuaBD seul qui en est le responsable.

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      • Répondu par Sergio Salma le 15 décembre 2008 à  12:31 :

        Il me semble que beaucoup d’auteurs masculins ont laissé leur sensibilité féminine prendre les devants. On trouve chez beaucoup d’entre eux des éléments que l’on qualifie(peut-être à tort) de féminins. Une certaine poésie, une vision pacifique, une tendresse, un regard. Peu de femmes en revanche adoptent certaines facettes de la sensibilité masculine. Peu d’auteures racontent des histoires de chevaliers, de bagarres, de fric et de muscles. J’aime beaucoup les métissages et les oeuvres batardes.

        Cette majorité masculine n’est pas propre à la bande dessinée. il a plus d’hommes que de femmes dans les professions de designers, d’architectes, de médecins etc...le plus choquant pour moi est de voir dans les écoles d’art une très grande proportion de filles et de femmes. Est-ce qu’elles décrochent avant ? Plus vite ? A quoi est-ce dû ?

        Sur le marché, quand les livres sont faits et publiés, la signature est anecdotique. L’oeuvre est acte d’artiste avant tout et ce mot, étrangement, est masculin ET féminin.

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      • Répondu par Malo le 15 décembre 2008 à  21:06 :

        SErait-il possible d’avoir l’adresse de l’hopital en Thailande ?

        Je veux faire partie de l’association artemisia.

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        • Répondu par Fred Boot le 16 décembre 2008 à  05:12 :

          Mon conseil : tentez d’abord la grande distribution. Moins risqué.

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    • Répondu par Virginie Greiner le 15 décembre 2008 à  16:49 :

      Pourquoi est-ce toujours qualifié de "stupide" quand il s’agit de mettre en avant les auteurES ? Si une bibliothèque veut se consacrer uniquement au écrits faits par des femmes, c’est en réaction "au sectarisme" normatif qui fait, que notamment en littérature, des auteures comme Colette ou George Sand sont toujours considérées comme des auteures mineures et donc non étudiés dans les cursus scolaires normaux. Certes le communautarisme et le sectarisme masculin sont tellement bien ancrés qu’ils sont érigés en norme qu’on ne doit pas même discuter... Et bien si,tiens, parlons-en...

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      • Répondu le 15 décembre 2008 à  19:22 :

        Les soi-disants auteurs qui écrivent "auteure" n’ont pas peur du ridicule, elles auraient aussi bien pu devenir instituteure, si elles avaient de l’orthographe.

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        • Répondu le 16 décembre 2008 à  07:48 :

          Auteure est un mot communément utilisé par de très nombreuses personnes : auteurs, éditeurs, journalistes, écrivains, ministres (oui oui, des fois on lit des rapports et des livres, des articles et des thèses, voire, on en écrit, pire, on en édite et c’est bien ce qu’on relève) .. Quelle étrange remarque mais soit : ridicule ? Pourquoi pas si vous y tenez ;-)
          La liberté d’expression (aïe, quelle vulgarité que d’employer un tel terme) vous permet de ne pas être ridicule chère personne anonyme alors profitez-en, dites et écrivez comme bon vous semble et ne vous laissez-pas déranger par cet aspect rébarbatif du vocabulaire qui semble tant vous agacer.

          Ce qui me gène par contre dans votre propos cher courageux anonyme, c’est les "soit-disants".. aïe.. Jeanne ma cocotte, va apprendre avant de t’exprimer sur le net.. Pfff.. deviens d’abord auteur et après on verra si on met un e , non mais !

          Tout plein de bisous ;-)

          Marie Moinard

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    • Répondu par funkyoister le 16 décembre 2008 à  07:03 :

      ...Même remarque.
      Le féminisme en mai 68 avait un sens, aujourd’hui ce genre de clivage ne fait que déservir la cause de la femme.
      En voulant faire une séparation par le sexe de l’auteur, je vois pas trop ce que l’on cherche à montrer où prouver.

      D’autant que depuis les années la place des femmes dans la BD, même si ce n’est pas d’une mixité absolue, est incontestable.
      Alors à quoi bon ?

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    • Répondu par Johanna, auteure BD le 17 décembre 2008 à  14:06 :

      En tant que première lauréate du prix Artémisia, je viens apporter mon grain de sel à ce débat.

      Ce n’est pas parce que la profession d’auteur de bande dessinée se féminise que le prix Artémisia relève d’un combat d’arrière-garde. Il y a une quinzaine d’années, un prix comme celui-là n’aurait simplement pas pu exister en raison du nombre insuffisant d’albums « d’auteur » réalisés par des femmes. Le prix Artémisia vient donc souligner cette évolution positive de la création, et aide à l’inscrire dans la durée.

      Hormis des propos dégradants (mais qui n’en a pas reçu sur son travail ou dans son parcours ?) et qui ne sont pas utiles à rappeler ici, je pense qu’il y a encore une quinzaine d’années, la difficulté constituait pour les auteurs de bousculer les stéréotypes imposés par les éditeurs dits commerciaux. Stéréotypes sur les femmes, bien sûr, mais aussi sur les hommes, sur les rapports hommes/femmes et plus généralement relevant des codes des récits de genres. Qu’une femme ou qu’un homme soit le créateur de la bande dessinée importait peu, pourvu que le récit réponde à ces stéréotypes.

      Je me souviens d’éditeurs (commerciaux) qui me faisaient remarquer que mes personnages féminins (le plus souvent des personnages principaux) n’étaient pas propres à séduire « le » public majoritairement masculin. Face au dictat de ce que les éditeurs commerciaux croyaient nécessaire pour séduire le public, le rôle des structures dites « alternatives » (comme L’Association) a été déterminant. Il faut rappeler qu’avant Marjane Satrapi, L’Association a ouvert son catalogue à de nombreux récits singuliers de femmes (ou de femmes singulières ?). C’est sans doute grâce à l’évolution des personnages féminins sous la plume des femmes, que LES auteurs globalement peuvent aujourd’hui s’affranchir de certains stéréotypes dans leurs récits. Lorsque les femmes gagnent en liberté (sociale, politique ou d’audience) les hommes y gagnent aussi ! Inversement, moins les libertés sont respectées dans une société, plus il convient de s’inquiéter pour la liberté des femmes ou des groupes minoritaires.

      À ce propos, il est ahurissant de voir que, dès que l’on parle de la place des femmes, on nous ressort systématiquement des comparaisons avec les combats des minorités ethniques ou de préférence sexuelle ! Mais les femmes ne sont pas minoritaires socialement, même si elles ont été considérées pendant des siècles (et encore aujourd’hui dans de nombreux pays) comme socialement mineures. Il y a donc toujours une peur qui reste encrée dans les représentations collectives face aux changements sociaux engendrés par l’évolution de la place des femmes. Ce dossier n’est pas clos, comme certains aimeraient à le penser, mais il est en évolution, en discussion, en réajustement continuel. Cette peur se traduit artistiquement par des stéréotypes, des codes, exactement comme l’on voit les académismes resurgir dans les sociétés où la démocratie est en recul.

      Le prix Artémisia permet donc de rendre visible ce qui est, c’est-à-dire la féminisation de la bande dessinée, à travers un choix qui porte sur la qualité d’une signature « d’auteur ». En donnant de l’audience à une œuvre singulière, ce prix permet aussi (soyons optimistes) de faire reculer les académismes (qu’ils soient machistes ou autres !).

      Pour avoir donné des cours à l’école supérieure de l’image d’Angoulême cette année et l’an dernier, j’ai pu constater que les jeunes étudiantes (certes plus nombreuses qu’hier) se destinaient toujours majoritairement à l’illustration jeunesse ou pour les magazines féminins, alors que les jeunes hommes s’orientent majoritairement vers la bande dessinée et le jeu vidéo. Personnellement, je pense que les jeunes filles manquent encore d’auteures de renom auxquelles elles pourraient s’identifier et qui leur serviraient de modèle. Or, ces modèles de « réussite », elles en trouvent évidemment dans des professions plus féminines, comme l’illustration jeunesse ou le manga, où les signatures sont davantage mixtes. Pour les jeunes étudiants, en revanche, point de domaine électif particulier (illustration, jeux, BD etc.) à part celui qui est dicté par leur préférence personnelle.

      Johanna.

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    • Répondu par François Boudet le 19 décembre 2008 à  13:37 :

      "Et que faire des albums co-réalisés par une femme et un homme ?"

      En l’occurrence, il y en a deux dans la liste des albums sélectionnés : "Scrooge" avec Rodolphe au scénario, et "Marzi" avec Sylvain Savoia au dessin. J’imagine que le jugement porte sur l’auteure féminine... Bref, ça n’est pas bien compliqué à comprendre. Pas besoin d’hôpitaux pour cela... (Dans le genre méprisant, cette remarque sur les hôpitaux vaut aussi son pesant de cacahuètes...)

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  • "Parce que la création BD au féminin nous semble peu connue et reconnue, peu valorisée et éclairée"

    C’est sûr que Marjane Satrapi pour ne citer qu’elle n’a pas du tout était valorisée...

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    • Répondu par FB le 15 décembre 2008 à  13:41 :

      Marjane Satrapi, ça fait une... Comme avant il y avait Claire Bretecher, ou 2 - 3 autres... C’est intense mais ça ne fait pas beaucoup en nombre, comme coups de projecteurs.

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    • Répondu par Sylvain Runberg le 15 décembre 2008 à  14:51 :

      C’est tout simplement que que la sensibilité "masculine" et "féminine", ça n’existe pas au sens d’une catégorisation définitive ayant valeur universelle non ? Edmond Baudoin, Emmanuel Lepage, Etienne Davodeau sont des auteurs où la poésie et la tendresse ont toute leur place. Valérie Mangin ou Anne Ploy œuvrent dans une registre -également de qualité- où la guerre, la violence sont très présentes. Dans d’autres domaines que la BD, le polar par exemple, les auteur(e)s créent des récits tout aussi féroces que leurs confrères masculins. Sans parler d’Harry Potter, où les combats et les guerriers ne manquent pas, qui est écrit par une dénommée Joanne Kathleen Rowling :) Quant aux proportions hommes/femmes dans les écoles de designers ou d ’architectes, si ’on regarde les pays anglo-saxons par exemple, elles sont souvent les mêmes, voir même parfois avec des d’effectifs féminins supérieures à leurs homologues masculins. Tout est donc très relatif dans ce domaine :)

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      • Répondu par Sergio Salma le 16 décembre 2008 à  11:00 :

        Il y a effectivement PLUS de filles dans les classes des académies, plus de filles dans les écoles d’art. Et d’ailleurs dès l’enfance, on remarque un plus grande attirance de leur part pour la musique, le dessin. Qu’est-ce qui se passe après ?
        Les études, les rencontres conduisent à une élimination cruelle et incompréhensible .

        Alors qu’on tentera de favoriser pourtant dans chaque famille la pratique de la musique, la danse, on distribuera encyclopédies et livres à tour de bras dans les foyers, il reste donc un effroyable réflexe collectif qui conduira malgré tout les femmes hors de ces territoires.
        Idem pour à peu près tous les métiers, sans être un spécialiste des statistiques.

        Que des initiatives comme Artémisia existent est un plus . Il est aussi un rappel de cette situation.

        La bande dessinée est comme tous les autres domaines en train de voir les choses enfin changer . C’est un combat supplémentaire que d’être une femme dans ce milieu. Non pas je crois dans les relations avec les éditeurs ou les collaborateurs comme semblent le penser certains intervenants mais dans la gestion au quotidien ; il est idiot de dire que c’est un combat d’arrière-garde et je ne vois pas de sectarisme( je crois que ce mot est violemment déplacé).

        Ce débat m’intéresse parce qu’il est hautement symbolique. Et il rappelle bien des stéréotypes dans l’éducation. Un garçon qui s’intéressera aux arts plastiques et à la musique sera moqué parfois. Une fille s’intéressant à ces mêmes choses n’aura que félicitations.
        Un garçon qui voudra devenir artiste en revanche subira dès très tôt des quolibets ou verra ses parents freiner des 4 fers dans la plupart des cas. Une fille se verra moins contrainte car dans l’inconscient collectif , ce sera l’homme qui plus tard subviendra à ses besoins.

        L’enseignement artistique a été laminé et il faut prendre l’initiative personnelle pour que les enfants, les pré-ados suivent ce genre de formation. Sauf en cas de "feu sacré" , enrichir l’éducation de cette approche du monde est définitivement facultatif. On placera le sport avant ces préoccupations ( justifié en partie).

        Il y a dans cet accès à la culture dès l’enfance le terreau des futurs développements individuels. Dans les bibliothèques, les filles sont les plus grandes consommatrices, elles sont donc détournées mine de rien de ces vocations .

        Comme est déplacée cette intervention-provocation du fameux "e" à ajouter ou pas au mot "auteur" . Absolument merveilleux (à moins qu’il ne s’agisse d’un canular). Là, du coup, tout est à refaire. On n’est pas rendu avec ce genre de réflexion, et là nous quittons le domaine artistique c’est un souci d’un autre ordre. Ho ! il y a "e" à "imbécile".

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  • Juste pour rassurer Mme Puchol et l’association Artémisia : étant un lecteur assidu de bandes dessinées sur internet, je découvre la présence de nombreuses artistes qui s’expriment sans aucune contrainte et en toute indépendance, et ce avec une "audience" marquante (surtout dans les pays anglosaxons). Les temps changent. Ces jeunes femmes, de 15 à 35 ans, ont la chance aujourd’hui de voir leurs travaux accessibles à tous, et, comme tout à chacun, de prendre en main elles-mêmes le contenu de A à Z, leur diffusion et leur mode de rémunération. Garçons et filles jouent aujourd’hui dans la même cours avec les mêmes chances. Si l’on ajoute à cela qu’en effet les écoles d’arts ou de design accueillent autant de filles que de garçons (je me demande d’ailleurs si les filles ne sont pas majoritaires), je pense que l’on va voir de nombreuses artistes marquantes apparaître dans les prochaines années grace aux "nouvelles" technologies. (oui, j’enfonce des portes)

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  • Jeanne Puchol : prix artemisia 2013
    8 janvier 2013 15:21, par Alice

    La lauréate du prix Artemisia 2013 est Jeanne Puchol pour son album Charonne-Bou Kadir aux éditions Tirésias.

    LA CHARTE DU JURY D’ARTEMISIA : "Il tient à insister sur la valeur de découverte du prix et tendra à récompenser des auteures en DÉBUT DE CARRIÈRE plutôt qu’à consacrer des valeurs confirmées."

    Dans l’interview il est dit de Jeanne Puchol "Vous-même êtes auteure de bande dessinée depuis plus de vingt ans"

    On rappelera que Jeanne Puchol n’est donc pas en début de carrière, qu’elle a été présidente d’Artémisia et qu’il y a son éditeur dans le jury... la honte...

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    • Répondu le 8 janvier 2013 à  17:32 :

      Ça sent le copinage à plein nez et ça décribilise totalement le prix et l’association qui est derrière…

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      • Répondu par Alice le 9 janvier 2013 à  15:43 :

        C’est clair !!
        J’ai lu Ulli Lust grâce à ce prix et ensuite d’autres albums. Mais là je n’ai plus envie de suivre cette association.

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