Joël Alessandra : "Les femmes et les voyages sont très intimement liés pour moi."

"Escales en femmes inconnues" s’ouvre sur un récit qui se passe à Rome, en Italie... Si je ne me trompe pas, vous avez débuté dans le métier en Italie. Pouvez-vous nous raconter ces débuts ?

Oui, en effet. En rentrant d’Afrique en 1993 où je venais de passer un an et demi, je suis allé vivre à Rome pendant cinq ans. J’étais directeur artistique et faisais de l’habillage de chaîne en animation pour la plupart des émissions de la Rai. Je caressais l’idée de faire de la BD, je crois que c’est ce que j’ai toujours voulu faire, mais je ne me sentais pas à la hauteur… Je faisais quelques planches dans mon coin sans oser envoyer quoi que ce soit à un éditeur. Lors d’une soirée, j’ai rencontré la sœur d’Andrea Pazienza, un "fumetista" italien mort trop tôt mais extrêmement célèbre en Italie à l’époque. Il faisait partie des auteurs de "Frigidaire" pour ceux qui connaissent… avec Tanino Liberatore entre autre. Bref, nous discutons et après plusieurs verres elle me propose de montrer des planches à Mauro Paganelli, l’éditeur de son frère. Ce dernier publiait une revue mensuelle "Il Grifo" où notamment étaient présents Pratt, Manara, Giardino… Mon travail à l’aquarelle sur des petites histoires africaines l’a immédiatement séduit et dès le mois suivant j’étais dans tous les kiosques italiens, imaginez ma fierté… publié aux côtés de Pratt, Manara, Loustal (qui était traduit et publié dans le magazine). Malheureusement les éditions ont fait faillite avant que l’on puisse faire un album… Je n’ai finalement repris la BD qu’en 2006 avec mon premier album, "Fikrie" à La boîte à bulles.

L’album, "Escales en femmes inconnues", commence comme un carnet de voyage, mais bien vite le récit devient très hot... Les voyages et les femmes sont-ils indissociables pour vous ?

Effectivement, c’est exactement comme un véritable carnet de voyage que j’ai voulu ces histoires. Le traité graphique est un mélange d’aquarelles, de croquis rapides et de scans directs de dessins que j’ai fait sur mes carnets lors de mes voyages, sans retouches, bruts de carnet. L’ensemble donne une atmosphère vivante et vraie, vécue. Evidemment il ne s’agit ici que d’une FICTION-autobiographique, où les femmes rencontrées sont réelles, elles existent, mais avec qui rien ne s’est passé, sexuellement je veux dire. Ainsi, oui, les femmes et les voyages sont très intimement liés pour moi : la géographie d’une femme, l’exploration de ses courbes, l’exotisme des langues différentes que ces dernières vont parler… Rien de plus existant qu’une femme qui vous parle en amharique ou en mandarin sans que vous ne compreniez rien, il y a là une forme de sensualité énorme.

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Dany a signé une jolie préface à cet album... Vous avez d’ailleurs récemment répondu à une interview commune dans le dBD...

Je remercie une nouvelle fois Dany pour son extrême gentillesse. Cela a été une vraie belle rencontre, chez lui en Belgique la première fois. Il avait sorti un bonne bouteille et très vite nous avons été sur la même longueur d’onde, femmes et voyages ! Il a écrit une très belle préface avec tout son cœur et sa sensibilité… Un grand Monsieur !

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Les femmes que vous dessinez sont plutôt réalistes, elles ont par exemple du poil au pubis, contrairement à l’image d’épilation totale que l’on tente de nous imposer dans les films pornos ou autres magazines féminins. D’une façon générale, vous traitez les femmes avec respect dans votre album ; vous dénoncez au passage l’excision, les mariages forcés ; vous évoquez aussi la prostitution...

Ah ! Ah ! Pour les poils vous avez raison, c’est un peu mon fantasme. Je trouve assez insupportable (de mon point de vue, hein !) ces sexes rasés de petite fille… Une courte anecdote à ce sujet : je faisais une intervention BD l’été dernier au quartier des femmes de la maison d’arrêt de Nîmes où je parlais d’"Escales en femmes inconnues", eh bien c’est la première réflexion que j’ai eu : "Ta femme, elle doit avoir de la chance avec toi de pas devoir se raser ; nos mecs, ils nous saoulent avec ça !"… Je ne sais pas si c’est du respect, la manière dont j’évoque les femmes. J’essaye à mon niveau de les considérer comme elles devraient l’être partout dans le monde, d’une manière totalement libre ; libres de leurs désirs, de leur sexualité, à l’égal de nous-même… J’ai malheureusement rencontré des choses assez terribles lors de mes voyages ; vous parlez d’excision, mais j’ai vu aussi des pratiques de mariage avec des filles trop jeunes, des pratiques proches de l’esclavage… Je ne fais que les effleurer dans mes récits dessinés, cela mériterait un livre plus sérieux que mes petits Mickeys !

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Les histoires de cet album ont été pré-publiées dans le magazine L’Immanquable Hors-Série érotique. Vous attaquez, toujours dans L’Immanquable H-S, une nouvelle série de petites histoires, toujours aussi érotiques, intitulée : "Éros & les Muses" et qui se déroule dans des musées ou au contact d’œuvres d’Art... Pouvez-vous nous en dire plus ?...

Nous avons en effet initié une nouvelle série érotique sur fond d’univers artistique et muséographique : "Eros et les Muses". Notre héros, toujours le même personnage/dessinateur que nous avions découvert dans "Escales en femmes inconnues", se promène non plus au gré des pays et des femmes rencontrées mais plutôt dans un rêve éveillé fantasmagorique entre le Louvre, le Musée Rodin, la rue Mallet-Stevens… Il confiera ses aventures sexuelles, car il s’agit toujours de cela, au fur et à mesure à son psy ! Une belle balade au sein de l’Histoire de l’Art, ma matière préférée quand j’étais étudiant en Arts appliquées.

En brousse en Ethiopie

© D.R

Photo en médaillon © Sapristi

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