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Journal d’un fantôme, par Nicolas de Crécy - Futuropolis

Par Charles-Louis Detournay le 27 décembre 2007                      Lien  
Une réflexion pertinente, bien parfois floue, du processus créatif, et de la vision d'un auteur-artiste en dehors de son atelier. Soutenu par un principe narratif intéressant (c'est son dessin qui parle), Nicolas de Crécy fait preuve d'humilité et de franchise pour nous présenter ses cheminements graphiques : intéressant !

Nicolas de Crécy n’est pas seulement un auteur, c’est aussi un artiste. Évidence ! me direz-vous, la BD étant un art, tout auteur est artiste ! Pas nécessairement : l’implication au niveau de la création pour distinguer les processus qui la composent est essentiel pour moduler le message à transmettre. Ainsi, la frontière entre les auteurs qui racontent une histoire, et les artistes est aussi grande que difficile à percevoir tant les définitions sont différentes. L’intérêt de l’auteur, et ses apports à la BD, sont pour autant conséquents : sans la faire indubitablement avancer, il l’alimente en substance, cherchant sa voie, tout autant que l’artiste qui, pour un média aussi productif, ne crée pas pour toutes ses planches.

Si vous parvenez à ce deuxième paragraphe, le Journal d’un Fantôme devrait attirer votre attention. Sur la base de deux voyages de commande, Nicolas de Crécy aborde le processus créatif en donnant la parole à un dessin en cours de formation. Certes, il n’est pas le premier à faire parler son œuvre, mais en la faisant critiquer son propre auteur dans un récit autobiographique, il donne un nouveau sens à la critique, à la fois dynamique et doublé d’une connotation plus objective. Pour quelqu’un qui déteste voyager et qui préfère dessiner seul chez soi, ces deux travaux ont été éprouvants à plus d’un titre. Se mettre en danger permet d’avancer, mais hors de son cocon protecteur, on commet facilement bon nombre de bévues.

Ainsi, la première partie de ce journal débute avec les planches du Collectif Japon. Grâce un dessin très haché, entremêlé d’expériences graphiques, notre héros de papier suit son manager qui tente d’approcher l’esprit nippon pour créer la mascotte de Paris 2016. Plus démonstratif que réceptif, Nicolas de Crécy accumule les bourdes avec les autochtones qui l’accueillent. Dès lors, il avoue son échec en décrivant la première admiration de son œuvre qui laisse sa place à un écœurement mêlé de pitié en découvrant le triste personnage qu’il peut devenir.

Journal d'un fantôme, par Nicolas de Crécy - Futuropolis

Le second voyage nous entraîne à Récife, lorsque le magazine Géo envoie de Crécy au Brésil pour lui demander de faire vivre le pays à ses lecteurs. Dans une atmosphère d’aquarelle brou de noix, la démarche est radicalement opposée à la première, sans pour autant rassurer l’auteur. Baladé de musées en chefs d’œuvre architecturaux, il tente de cerner le pays derrière ses façades touristiques en se demandant s’il vaut mieux travailler en direct, d’après photo, ou par réminiscence pour laisser sa vision artistique altérer positivement un cadre de vie. Dessin après dessin, son travail force le respect, et on suit avec plaisir ses réflexions sur le processus créatif.

Entre récits autobiographiques de voyage (comme les carnets de Sfar ou de Trondheim), et une histoire imaginaire où l’auteur cherche un angle artistique, on se laisse peu à peu entraîner dans le questionnement sans réponse de Nicolas de Crécy. Si la première partie tend à montrer sa perversité, ce qui provoque le dégoût pour son propre travail et sa chute du piédestal, la seconde joue sur l’humilité pour renouer avec le réel talent. La conclusion onirique est donc empreinte de scepticisme et d’irréalité : après des bévues et une réflexion pour reconquérir son statut, Crécy ne peut vivre sans dessiner, mais il ne faut pas pour autant se laisser abuser par cette première impression !

(par Charles-Louis Detournay)

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Du même auteur, vous pouvez lire la chronique de Salvatore et son étonnante vision du Louvre dans Période Glaciaire.

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