Depuis qu’il a commencé à dessiner dans Pilote, dans Charlie Mensuel et dans Fluide Glacial, ou dans Le Petit Psikopat illustré, le magazine de son frère Carali, à l’aube des années 1980, Édika (alias Édouard Karali) aligne les pages et les gags d’une façon tranquille, à mille lieues du comportement frénétique de ses personnages.
Sa lignée est prestigieuse et facilement reconnaissable : Gotlib, référent vénéré qui a accompagné toute sa carrière professionnelle et dont il retient le style slapstick dans un tempo passablement plus énervé, mais aussi la BD Underground de Gilbert Shelton (The Fabulous Freak Brothers) dont il retient une certaine décontraction narrative, la liberté de trait de Reiser, la narration décalée d’un Goossens. Une famille idéale pour un humoriste qui trace son sillon avec discrétion depuis plus de trente ans.
En fait, c’est sa constance qui le rend discret. Très vite, il a eu ses fans qui se sont esclaffés devant ses personnages aux attitudes comiquement outrancières, ses histoires, souvent autobiographiques, qui se rient de l’insuffisance de leur chute, de ses dialogues interminables, orfèvrerie d’autodérision.
Ainsi, son héros dénonce-t-il le côté "ringard" de sa conception à deux dimensions : "...où est le temps merveilleux de la bande dessinée faite en animation virtuelle et en images de synthèse coloriées et mises en volume par Photoshop dont l’explication du logiciel était d’une simplicité enfantine ?". Et d’appeler son technicien informatique pour réduire à rien l’énorme obstacle qui se présente à lui...
Cet humour discursif est la marque de fabrique d’Édika, ce qui fait que l’on a de la tendresse pour lui, que l’on s’est habitué à sa présence... Au point de l’oublier entre deux albums qu’il produit régulièrement avec talent depuis plus de trente ans ? C’est hélas possible.
Il serait temps qu’un certain "Festival International" accepte dans son académie le talent déraisonnable d’un humoriste d’origine égyptienne (Édika est né en 1940 à Heliopolis) plutôt que d’aller chercher à l’autre bout du monde des auteurs fantomatiques qui n’attendent plus de reconnaissance depuis longtemps.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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