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Le festival de Colomiers, cette « Angoulême du sud ».

Par Nicolas Depraeter le 20 novembre 2011                      Lien  
Pour sa 25e édition le festival de bande dessinées de Colomiers, ville de la banlieue toulousaine, a subi un lifting ambitieux. Passant d'une classique rencontre entre bouquinistes, collectionneurs et auteurs, à un festival ouvert et désireux de promouvoir une culture artistique pluridisciplinaire.

Alors que l’année précédente le festival se tenait uniquement au Hall Comminges où se déroulait un classique salon de bande dessinée, sans grande prise de risque au niveau de la programmation, l’édition 2011 se tient cette année dans trois bâtiments situés principalement dans la même zone de la ville.

Le Hall Comminges

Premier lieu d’activité du salon, le Hall Comminges propose de rencontrer de nombreuses maisons d’édition à dimension humaine telles que Makaka éditions (issue du projet web 30 jours de BD), Manolosanctis ou encore La Boîte à bulles, afin de rencontrer certains de leurs auteurs et acheter les dernières sorties.

Le festival de Colomiers, cette « Angoulême du sud ».
Le salon attire de nombreux jeunes
Des étudiants du lycée Rive Gauche, option Arts Visuels, ont confié qu’ils devaient étudier les traits d’artistes de leurs choix pour un travail ultérieur.

Pour diversifier l’intérêt de la visite, le Hall vous propose trois expositions. La première, Singulier/Pluriel, est un espace de rencontre décoré pour trois maisons d’édition indépendantes, par des reproductions géantes de trois œuvres issues de leur catalogue.

Le visuel d’Amandine Urruty

Ainsi chez les Requins Marteaux, Amandine Urruty propose un visuel horizontal mélangeant couleurs acidulées, jeunes filles dérangeantes et situations grotesques. Chez Fremok et The Hoochie Coochie, Vincent Fortemps et Christopher Hittinger versent dans le vertical démesuré pour nous présenter un géant bipolaire et une visite aux relents de train fantôme. Malheureusement l’expo aurait peut être gagné à présenter d’autres visuels de ces artistes, dans un format certes plus réduit, afin de ne pas laisser aux visiteurs le risque de se forger un avis trop fermé sur le style de ces invités.

L’entrée de l’exposition Singulier/Pluriel

La seconde exposition se démarque de la précédente par une accumulation visuelle détonante. Issus des Beaux-arts d’Angoulême, Lôthelier, Tib-Gordon et Tristoon ont développé un univers de science-fiction très particulier : Little Big Bang (éditions Paquet) soit trois albums destinés à la jeunesse mais où les références à destination des parents adultes fusent à chaque page.

Café Creed présentait son exposition Little Big Bang

Issus de ces trois one-shots ayant pour point commun l’univers ou se déroulent les tomes, l’exposition propose d’admirer des sculptures, des peluches, mais aussi des planches mises en valeur par des encadrements originaux réalisés spécialement pour l’occasion.

Plusieurs travaux sont réalisés par d’anciens camarades des Beaux-arts d’Angoulême

Autre idée intéressante, les enfants peuvent venir tester leur talent de coloriste en herbe sur des supports prévus à cet effet. L’expo précédemment visible à Aix en Provence est un plaisir visuel pour peu que l’on aime les travaux réalisés sur des matières originales.

Cadres impressionants et canapé démoniaque

Enfin, aux détours des expositions, stands d’éditeurs ou de fanzines, le visiteur fatigué peut s’offrir une pause chez l’invitée principale du festival : Pénélope Bagieu, absente en cette journée d’inauguration pour des raisons personnelles. Pénélope a en effet installé certaines pièces de sa maison idéale dans le Hall Comminges et agrémenté celles-ci de ses lectures favorites.

Le collectif In Out testait le lit de Pénélope
Et de jeunes gens découvrent Jane Fonda dans son canapé

Ainsi, le lecteur disposant d’un peu de temps pourra (re-)découvrir Watchmen sur une cuvette de toilette ou lire Paul à Québec dans un grand lit girly...

Watchmen trône dans son lavabo

Le Pavillon Blanc

La récente médiathèque de Colomiers accueille une partie du festival, notamment des conférences sur des sujets liés à la culture artistique visuelle. Ce vendredi après-midi s’étaient réunis Les Requins Marteaux et le collectif In Out pour aborder la question suivante, plutôt subtile : Le passage de l’œuvre à l’imprimé fait-il œuvre ?

Ici, un visuel du catalogue réalisé par le collectif In Out

Pour y répondre, les acteurs ont présenté certaines de leurs dernières expositions et les catalogues créés ultérieurement pour pérenniser leurs travaux. Bien que ne traitant pas de bande dessinée, le graphisme restait un élément majeur de la conférence à travers les expositions traitées. Il en est ressorti qu’un catalogue d’exposition ne doit pas être qu’une simple retransmission de ce qui était visible, mais doit apporter un nouveau point de vue, par des éléments tels que des avis extérieurs à l’événement, un montage original qui serait lui-même une partie intégrante de l’œuvre ; elle doit aussi réussir à retranscrire sur du papier une temporalité, à l’instar des documentaires sur le Land Art visibles dans les musées.

La conférence a montré le travail de Julia Lamoureux visible sur l’exposition Road Strip

Sur un plan moins symbolique, ces jeunes groupes d’éditions ont aussi pour vocation de diffuser au plus grand nombre les visions de leurs travaux, afin de démocratiser l’œuvre, d’en faire don au public sans qu’elle devienne pour autant une "œuvre à pas chère".

Dans la rue

Des labos dans les bulles, exposition qui interpèle le public piéton

Espace public, la rue, est un moyen efficace de présenter les œuvres au plus grand nombre, que ce soit le passant curieux ou le festivalier averti. Colommiers l’a bien compris puis que la ville s’est parée de plusieurs expositions outdoors.

La première, Road Strip, fait participer cinq artistes issus des écoles d’arts de la région en leur proposant de s’exprimer sur un support identique : Quatre panneaux de même mesure où le papier collé pouvait parfois avoir des défauts, à l’instar des affiches publicitaires ou électorales. S’exposant en pleine rue, sans surveillance, certaines de ces affiches ont suscité de vives réactions d’inconnus, tel que la frise de Charlotte Perrin qui a vu son dernier dessin se faire vandaliser, il faut dire que sa représentation de "réalité" était un doigt évocateur...

Liberté, Egalité, Fraternité, et Réalité contestée

Autre exposition piétonne, Des labos dans les bulles présente les travaux de six auteurs BD s’étant inspirés de leurs rencontres avec des scientifiques de domaines variés : l’archéologie, la neurologie, ou encore comme ne l’aurait pas renié le compte de Champignac, la mycologie. De ces rencontres originales découlent des séries de planches de grande taille (protégées cette fois) que les passant peuvent découvrir au fil de leurs déplacement entre le Hall Comminges et le Pavillon Blanc.

Une autre référence au monde de la BD
Cette récente installation n’était apparemment pas la volonté de l’organisation.

À noter qu’une autre animation se passait dans la rue le vendredi soir : le Lasertag 2.0. Avec un pointeur laser, une webcam, un projecteur et d’autres technologies informatiques venues du futur, auteurs et public pouvaient s’essayer le temps d’un soir à taguer le mur du Pavillon Blanc pour une création éphémère qui ne dérangerait personne le lendemain. L’occasion de voir apparaitre des créations intéressantes remplacées ensuite par le trait d’un autre.



Lasertag 2.0
Quand le graffiti se révèle éphémère et écolo.

Inauguration

Point d’orgue du vendredi soir, la soirée d’inauguration qui fut l’occasion d’assister à la remise du « Prix découverte » décerné à Guillaume Coquillaud pour son album Les Peuples oubliés, édité chez Bao. Ce jeune Corrézien de 28 ans a su séduire avec son récit d’un aviateur s’écrasant dans un lieu perdu, sauvé par le peuple des reines de Saba.

Guillaume Coquillaud, jeune prix découverte
Il prendra l’année prochaine la place de Jules Stromboni pour une exposition dans la ville de Colomiers

Malgré l’absence de l’invitée vedette, Pénélope Bagieu, la soirée d’inauguration fut aussi et surtout l’occasion d’assister au discours du maire de la place. Après avoir vanté la présence de 40 maisons différentes, de 130 exposants et l’aspect local mais étendu du festival, il ne put s’empêcher de faire remarquer que celui-ci se propageait maintenant dans plusieurs lieux de la ville pour le comparer aussitôt à celui... d’Angoulême !, affirmant même que : « Si Angoulême est le plus grand festival, Colomiers est certainement le plus beau. » Des affirmations un peu « champigniaciennes » qui ont quelque peu gêné l’organisatrice du festival, Amandine Doche, qui ne savait plus où se mettre après un discours aussi exhalté.

Le maire dans sa folle embardée sur l’ "Angoulême du Sud"
Amandine Doche (en écharpe rouge à droite) ne savait comment rattraper cette saillie digne du Maire de Champignac.

On ne peut qu’espérer que l’année prochaine, le festival continuera son expansion en vue de donner ses lettres de noblesse à la BD dans les environs de Toulouse.

Un nom circulait pour l’invité d’honneur de 2012, celui de Bastien Vivès...

(par Nicolas Depraeter)

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consultez l’actualité du festival sur son site internet

Médaillon : Le maire de Colomiers et son adjoint à la culture, Mr Molina.

photos : Nicolas Depraeter

 
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10 Messages :
  • Colomiers Angoulême du sud ?!!!! Ahahah ! C’est trop drôle !!! Quand les Requins Marteaux ( qui portent bien leur nom) ont repris le festival, ils l’ont joué intello-branché, comme à leur habitude en excluant un public très familial qui faisait le succès du salon dans les années 90 ou on pouvait voir des Jodorowsky, Moebius, Loisel, etc,etc. Depuis, les Requins sont partis et le salon recherche un second souffle, une nouvelle identité et surtout un public... Vous remarquerez aussi que très peu d’auteurs toulousains (Colomiers est dans la banlieue toulousaine)font le déplacment, tout simplement car on les a pris pour des imbéciles en les excluant à la période des RM et en les rappelant ensuite pour essayer de réparer les dégâts. Honte aux organisateurs.

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  • C’est vraiment dans ce genre de manifestations qu’on s’aperçoit combien est distinct le monde du récit en images de celui de l’affiche et de la scénographie.

    Que reste t-il de la BD, dans ces "produits dérivés" revisités par des artistes graphiques non narratifs ? Un immense fossé que seul un discours artistico-pédant peut habiller de couleurs tristes et froides, cherchant arbitrairement à réunir ce qui est inconciliable...

    Rien n’a changé depuis l’ère du "Pop Art" et des ses "Zim boum plaf !" 4 par 3, en comic_sans_ms.

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  • Le festival de Colomiers, cette « Angoulême du sud ».
    21 novembre 2011 13:15, par Docteur Justice

    C’est Henri Molina, adjoint au Maire chargé de la culture qui l’a sorti, et ça semble pas être une première.
    Il devrait se méfier, le festival BD d’Ajaccio est auss i au sud, mais en plus en Corse. Et les Corses sont très susceptibles.

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  • Le festival de Colomiers, cette « Angoulême du sud ».
    21 novembre 2011 23:34, par Oncle Francois

    Merci pour les photos. Tout cela semble passionnant. Quel dommage que je sois si loin de Toulouse, car basé dans les Ardennes !!°)

    Blague à part : de qui se moque-t’on ? est ce ainsi que l’on dilapide l’argent des contribuables ? L’Europe est en crise, messieurs les élus, les déficits publics sont colossaux, on ne parle que de cela dans les journaux et à la télé ! Et vous pendant ce temps, vous nous proposez des expositions dignes de sections "Art et essai" de bibliothèques municipales ?? Laissez les auteurs fanziner dans leurs fanzines ou leurs blogs, et essayer plutôt d’améliorer l’ordinaire de vos électeurs !!

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    • Répondu par Jef le 22 novembre 2011 à  00:08 :

      essayer plutôt d’améliorer l’ordinaire de vos électeurs !!

      Mais c’est exactement pour ça qu’existent les politiques culturelles. Suivant votre logique on devrait supprimer les bibliothèques, les théatres, les cinémas pour ne conserver que les soupes populaires (supprimons les écoles aussi, c’est un gouffre financier et ça ne sert à rien).

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      • Répondu par Max le 22 novembre 2011 à  08:01 :

        Les auteurs des "soupes populaires" vous remercient... Les auteurs de bds "populaires" qui font vivre les festivals en dédicacant à tour de bras, attirent les lecteurs et permettent un échange avec un public hétéroclite n’ont pas à pâtir des "politiques culturelles" atteinte de jeunismes qui ne pensent qu’ à détruire ce qui a été construit pour monter au pinacle de nouvelles expressions plastiques (tu parles...) dignes des travaux dirigés des premières sections d’une école privée de design graphique. C’est pitoyable et dangereux pour la santé d’un festival, des auteurs de bds ( si, si je vous assure ça existe encore) et pour l’ensemble de la profession. Oui, je sais bien que les conseillers culturels voit la bd par le prisme de l’art contemporain. Ils oublient juste que même si des passerelles existent, elles sont faîtes par des auteurs de talent qui ont une connaissance approfondie des deux univers. Sans oublier que la bd est l’art de la narration et pas de l’image, l’inverse de ce qui est montré. Et puis après tout, qu’ils fassent ce qu’ils veulent de l’argent public et des mannes d’Airbus à Colomiers. Il faut bien justifier le trou béant fait dans les comptes publics par le nouveau Pavillon Blanc dédié à l’art contemporain... Tout s’explique.... Tout à un sens...

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      • Répondu le 22 novembre 2011 à  10:55 :

        C ’est amusant de voir que ce sont les "indépendants" qui ont fait de la bande dessinée un "machin" officiel et subventionné. Alors que ça aurait dû resté des radios libres et des vinyles chers à Menu. Paradoxe, stupidité ou arrivisme ?

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        • Répondu le 22 novembre 2011 à  11:18 :

          Le mainstream est la nouvelle bd indé.....

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          • Répondu par Oncle Francois le 22 novembre 2011 à  22:59 :

            Exact, la Bd "mainstream" ou grand public est outrageusement négligée, méprisée des festivals d’Angoulême ou plus au Sud. Je suggère que dans son avant-gardisme éclairé, une municipalité l’accueille lors du prochain festival, cela dés l’année prochaine. Colomiers (plus branché qu’Angou, semble-t-il), par exemple, cela leur permettrait de se réconcilier avec les auteurs locaux qui boudent le festival (voir le premier post de ce sujet) !! Mais aussi avec le public réel, celui qui achète les livres qui se lisent, et permettent aux libraires de payer leur loyer !!

            A t’on déjà vu Dargaud-Lombard-Dupuis, Glénat, Delcourt-Soleil et autres puissants de l’édition quémander des subventions payées par nos impôts, et donc la sueur du travail de nos fronts, ou par des prélèvements sociaux-culturels sur notre retraite bien méritée grâce à une dure vie de labeur ? Je veux bien aider les assoiffés du Sahel, les inondés de Thailande, les licenciés de la sidérurgie ou de la banque, mais ma générosité a des limites, nom d’un petit bonhomme !!

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            • Répondu par Gérald Auclin le 24 novembre 2011 à  22:42 :

              Désolé de vous contredire mais non... les subventions (du CNL notamment) ne sont pas "réservées" aux petits éditeurs "indépendants", ces "faignants qui vivent sur vos impôts" (ben voyons !). Les Dupuis, Dargaud et consort les utilisent également, notamment dans le cas d’ouvrage onéreux à la fabrication. Vous pouvez le vérifier en consultant le rapport annuel du CNL qui est publié chaque année : http://www.centrenationaldulivre.fr/IMG/pdf/BAT_Bilan_des_aides_2010.pdf

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