La misère pousse les femmes vietnamiennes à accepter des propositions d’union dans des pays plus prospères, comme Taïwan. Tout une organisation gérée par des agences locales vise à favoriser ces mariages, et la demande d’hommes pressés et prêt à payer le prix demandé ne faiblit pas. Clément Baloup raconte le phénomène, avec deux axes complémentaires : d’un côté le destin de Linh, convaincue d’épouser un fils à maman pataud, de l’autre, des portraits de femmes ayant suivi la même voie, évoquant leur existence en terre étrangère, avec un certain recul et une grande diversité de situations.
Le travail de Baloup est saisissant. Le parcours de Linh, à peine sortie de l’adolescence et envoyée dans l’inconnu comme sacrifiée au nom de la survie de sa famille émeut, sans pathos, dès le début. Examinée comme une esclave par une marieuse sans âge, elle échoue dans un immeuble gris et sombre et regonfle son moral auprès de ses compatriotes exilées. L’idée lumineuse de l’auteur : passer au style animalier dès la rencontre avec le "mari", immédiatement coincé dans une image de crapaud, entre monstruosité et inconsistance.
Les Mariées de Taïwan ne masque rien de la violence des mariages quasi-forcés et montre aussi que des associations de l’île chinoise se battent pour améliorer le sort des jeunes femmes vietnamiennes. Linh apparaît à la fois lumineuse et courageuse, symbole d’une réalité méconnue, et comparable à un autre exode économique : les mariages entre des hommes chinois et des coréennes du nord très pauvres.
(par David TAUGIS)
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