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Salvatore Biddau : « J’ai toujours eu une grande admiration pour ce scénariste et je n’ai donc pas beaucoup réfléchi avant de relancer "Jean-Michel Charlier présente" »

Par Charles-Louis Detournay le 14 mai 2015                      Lien  
Après avoir lu sur ActuaBD l'interview de Gilles Ratier expliquant les conséquences du décès de François Defaye, Salvatore Biddau a décidé de reprendre le flambeau de la collection Jean-Michel Charlier. Nous revenons en détail sur cette aventure éditoriale, qui débute avec la publication des quatre tomes de "Thierry le Chevalier".

Comment vous est venue l’envie de prolonger la collection Jean-Michel Charlier ?

Je travaille dans la publicité et dans l’édition depuis de nombreuses années. Je suis tombé dans la marmite de la BD dès ma plus tendre enfance. Avec mes camarades de rue, nous lisions les revues de l’époque que nos parents achetaient toutes les semaines. On se retrouvait tous les jeudi après midi et on dévorait Tintin, Spirou, le journal de Mickey ou Pif gadget. Plus tard, ce fut Pilote. La bande dessinée est une de mes grandes passions avec le cinéma. Je me suis donc abonné à la revue HOP ! de Louis Cance, que j’attends toujours avec impatience. Je me plonge sur internet régulièrement pour m’informer que ce soit sur BDzoom ou sur ActuaBD. Et, c’est là sur votre site que je lis un jour une interview de Gilles Ratier qui se terminait par l’annonce de la fin des éditions Sangam, suite au décès de François Defaye. La collection s’arrêtait car plus d’éditeur !

Oui, ce brusque décès interrompait une collection de qualité... Vous avez alors eu l’envie de reprendre le flambeau ?

J’ai toujours eu une grande admiration pour Jean-Michel Charlier et je n’ai donc pas beaucoup réfléchi. J’ai appelé mon ami Michel Jans des éditions Mosquito pour qu’il me donne les coordonnées de Gilles Ratier afin d’en savoir plus. Celui-ci m’a mis en relation avec le fils et ayant-droit de Jean-Michel Charlier, à qui j’ai proposé de prendre la suite de la collection. J’ai rencontré un homme charmant qui a le souci constant de sauvegarder le travail de son père et de perpétuer sa mémoire. Ma conception de l’édition et ma manière de concevoir cette collection l’ont séduit et nous sommes tombés d’accord pour que ces œuvres continuent d’exister à travers les éditions Fordis.

Salvatore Biddau : « J'ai toujours eu une grande admiration pour ce scénariste et je n'ai donc pas beaucoup réfléchi avant de relancer "Jean-Michel Charlier présente" »

Vous avez légèrement modifié le titre et la maquette des albums ; quels étaient vos objectifs ?

Les problèmes de droits liés au décès de François Defaye et de ses partenaires ne nous permettaient pas, même si nous en avons eu le souhait dans un premier temps, de reprendre les choses en état. De plus, nous voulions nous démarquer de l’approche luxueuse pour collectionneur et donner à cette collection une image plus classique et actuelle, sans remettre tout en question. Les bases de départ sont toujours là, à savoir : une bande dessinée et un dossier. c’est une manière d’élargir le lectorat à un plus grand nombre.

Vous vous êtes donc lancé dans une croisade difficile pour recomposer les albums ?

Les différentes séries sont parues il y a presque 60 ans pour certaines. Retrouver les originaux est un vrai parcours du combattant. La politique générale est de respecter le travail des auteurs le plus possible en lui donnant une touche de modernité.

Vous avez donc entamé votre travail avec Thierry le Chevalier. Sur quels support vous êtes-vous basé ?

Nous avons demandé à Jean-Claude De la Royère du Centre Belge de la Bande Dessinée de nous scanner toutes les planches du journal Spirou. Puis, planche par planche (j’entends par "planche" les pages scannées du journal), nous avons nettoyé toutes les cases. Celles qui bavaient, les couleurs décalées, les noirs maculés, retracé certains traits noirs effacés, corrigé des bulles mal placées... Nous avons ensuite travaillé la chromie des planches, tout en respectant les ambiances, afin de donner une cohérence à l’ensemble de l’album.

Outre la bande dessinée elle-même, chaque album reprend un dossier de présentation générale et un dossier spécifique sur cette aventure, tous deux réalisés par Gilles Ratier, ainsi qu’une préface signée par Christian Godard pour le premier tome.
Les excellentes notes explicatives de Gilles Ratier permettent de bien comprendre comment l’éditeur a recomposé les planches en partant du "Journal de Spirou", et des cases complémentaires du "Samedi Jeunesse" lorsque certaines étaient remplacées par le titre et le résumé dans l’hebdomadaire.

Vous avez également retravaillé les phylactères et réalisé les couleurs des cases manquantes à partir des compléments tirés du Samedi jeunesse ?

Le lettrage a été refait en partant d’une police libre de droit et qui s’approchait de celle du lettreur de l’époque. Il était impossible de nettoyer bulle par bulle le texte sans y passer des heures et des heures, cela permettait aussi d’avoir des phylactères bien blancs. Avec le recul nous avons trouvé que cela donnait un coup de jeune à l’ensemble et nous avons gardé cette option. Comme l’explique Gilles dans son dossier, les cases manquantes ont été recolorisées, opération que nous ne pourrons reproduire hélas dans les albums suivants. En effet, Le Chevalier sans nom est le seul à avoir été publié dans son intégralité dans Samedi Jeunesse.

François Defaye tirait chaque album à 1000 ou 1500 exemplaires : restez-vous sur les mêmes tirages ?

Pour nous permettre de continuer cette collection, le maître-mot est la prudence, surtout budgétaire. Nous n’avons aucune source exacte de vente, le fichier adresses de Sangam n’est pas en notre possession. Les seules informations que nous ayons glanées ici ou là ne sont pas vraiment vérifiables. J’espère que nous arriverons très vite à un tirage de 1000 exemplaires, ce qui prouverait qu’un public existe pour ces bandes dessinées. Je pense, de plus, que d’une série à l’autre, les chiffres de vente doivent-être bien différents. Nous restons donc très prudents.

Notre politique éditoriale est simple : réduire au maximum les coûts de réalisation et les frais inhérents à la distribution, sans jamais négliger la qualité. La totalité du travail est réalisée par notre studio graphique et la distribution par notre groupe de transport, ce qui nous permet de minimiser les charges. À cela, s’ajoute les droits d’auteur, le journaliste préfacier, et les frais divers. Notre tirage initial est de 500 exemplaires dont 111 albums numérotés, accompagnés d’un ex-libris pour les premiers souscripteurs. Nous préférons dans un premier temps opter pour la politique du retirage. Elle est plus sûre, même si elle est plus coûteuse. Il est évident que si la demande est là, nous réimprimerons les titres. Notre but est d’aller au bout de notre passion et de cette belle série.

Disposez-vous d’un bon réseau de distribution ou faut-il commander les albums directement à la maison d’édition ?

Nous sommes également en train de fortifier notre réseau par la multiplication des partenariats en France et en Belgique. Les réseaux de librairies nous commandent maintenant régulièrement des albums en achat ferme. Je pense que les points de vente vont se développer au fur et à mesure que l’information se diffusera. D’autre part, je pense aussi que les libraires attendaient de voir l’album pour s’en faire une idée et envisager sa commercialisation. (je comprends d’autant plus que j’avais ouvert moi-même une librairie, il y a quelques années, et que j’en connais les contraintes). Nous avons également mis les albums en vente sur Ebay, Priceminister, Amazon (Boutique : FORDIS60) et sur Le coffre à BD de Bernard Coulange, site que je recommande à tous les amoureux des BD anciennes. Nous préparons également notre propre site qui sera en service d’ici juin, je pense. Une page Facebook a été ouverte et nous travaillons à l’amélioration du dialogue avec nos acheteurs ainsi qu’à une meilleure visibilité. Il faut un peu de patience car cela représente beaucoup de travail.

Les albums précédents étaient vendus à 19 euros pour 64 pages et 22 euros pour 72 pages. À quels impératifs économiques avez-vous dû faire face en plaçant les prix de vos albums de 64 pages également à 22 euros ?

Le prix des albums est calculé par rapport à tous les paramètres dont nous venons de parler surtout les coûts d’impression et les heures de restauration. Nous avons essayé de fixer un prix correct et attractif. Nous essaierons de rester autour de 23/25 euros maximum. Nous ferons une statistique des coûts de restauration d’ici à la fin de l’année après avoir honoré notre programme de trois albums. Et puis, malheureusement tout augmente aujourd’hui, le papier, les charges, etc... Ne serait-ce que les frais postaux et d’emballage. Nous avons pris sur nous, afin d’asseoir la collection, de réduire un peu ces frais grâce au volume d’envoi que nous faisons chaque jour dans notre groupe, j’espère que nous pourrons continuer.

Initialement, Sangam avait prévu d’éditer la suite de Guy Lebleu, puis et les Michel Brazier. Pourquoi vous être concentré sur Thierry le Chevalier ?

En effet, j’étais aussi de ceux qui attendaient impatiemment la sortie de Michel Brazier annoncée et repoussée. Pourquoi Thierry le chevalier  ? Nous voulions d’abord marquer le coup du changement éditorial en commençant par une série totalement inédite, une nouvelle maquette et une approche plus centrée sur l’histoire de Jean-Michel Charlier et de ses dessinateurs. Également, une partie des documents étaient déjà en notre possession (l’économie budgétaire prévalait). En ce qui concerne Michel Brazier, je peux vous dire que je suis actuellement en négociation avec André Chéret pour dessiner une suite au premier épisode et dont le scénario sera tiré du feuilleton écrit par Charlier, Les Diamants du président. À ce jour, nous ne savons pas encore combien d’albums pourraient paraître et si l’étude budgétaire est viable. Tout dépendra bien entendu du succès de cette collection et des rentrées financières.

Et pour la série de Guy Lebleu ?

Nous allons faire paraître d’abord les inédits à savoir : les 3e et 7e épisode de la série, respectivement Les Pirates de la nuit et 15 milliards de diamants. Puis, nous rééditerons les deux épisodes parus initialement chez Glénat Allo DMA et La Cité secrète de la mort qui regroupait trois épisodes d’une trentaine de planches en moyenne.

Le deuxième tome de Thierry Le Chevalier sera disponible dans quelques jours !

Concernant les 111 exemplaires de ce 1er tome numérotés accompagnés d’un ex-libris, comment les lecteurs peuvent-ils se les procurer et quel en est le prix ?

Malheureusement, les 111 exemplaires. du tome 1 sont épuisés et les 111 exemplaires du tome 2 déjà en voie de rupture. C’est un franc succès qui nous encourage à continuer. J’espère qu’il restera quelques numéros quand vous lirez ces quelques lignes. Nous éditerons, quel que soit le tirage à venir, 111 exemplaires numérotés accompagnés d’un exlibris de chaque titre (ce qui ne nous empêchera pas d’éditer des albums collector en parallèle par exemple). Les numérotés seront toujours mis en vente par souscription directement sur notre site www.fordisbooksandpictures.fr. De plus, un bon de commande accompagnera chaque envoi d’album acheté par souscription.

Nous vous souhaitons alors bonne chance dans cette aventure éditoriale patrimoniale. Le mot de la fin ?

S’il vous le permettez, j’aimerais passer ce message : À tous ceux qui ont des informations sur les dessinateurs et leurs ayants droits, qu’ils nous les communiquent, afin que nous puissions prendre contacts avec eux.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

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