Selon Gaston Paris, le plus célèbre médiéviste et philologue romaniste français du XIXe siècle, cette histoire, sans doute inspirée par le mythe de Thésée, est issue de poèmes perdus au XIIe siècle mais dont les répliques (dont celle de Chrétien de Troyes également perdue) ont perpétué les péripéties jusqu’à nos jours.
Tristan est envoyé par le roi Marc (un nom qui veut dire « cheval » en celtique, ce qui explique qu’il porte dans la bande dessinée des oreilles d’âne) pour demander en mariage la princesse Iseult. Après avoir accompli l’exploit de sauver le royaume d’un dragon qui le menaçait, la mère de la princesse, par ailleurs magicienne, confie sa fille au chevalier en même temps qu’un philtre d’amour destiné à sceller leur union. Mais par une fatale erreur, la jeune promise le partage avec Tristan sur le bateau qui les mène en Cornouaille. Il se lie entre eux un amour invincible que mille manœuvres avec l’aide de Bringien, la suivante d’Iseult, ne peuvent dissimuler. Bientôt les amants sont surpris et bannis du royaume par un monarque au cœur bon mais déchiré. L’histoire ne s’arrête pas là et s’achève, après bien des passages poétiques émouvants, par le trépas du couple et leur union éternelle dans la mort.
En dépit d’une écriture, considérée en son siècle comme la quintessence du « beau français », le style de l’œuvre originale a, nous dit encore Gaston Paris, « souvent les défauts habituels du moyen âge : la banalité, la monotonie, la minutie, l’absence de souffle, d’éclat et d’ampleur… » [1] Heureusement, la bande dessinée efface ces défauts et Agnès Maupré rend à cette histoire précisément le souffle et l’éclat qui auraient pu lui manquer. Quant à Singeon, que l’on avait vu au dessin sur Bienvenue de Marguerite Abouet, il n’a pas le graphisme tapageur, mais suffisamment de justesse et de délicatesse pour animer de feu la passion dévorante de ce couple romanesque.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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