Relativement claires dans leur déroulement, les histoires présentées au tome 1 visaient la présentation du « Requin », surnom du héros, et de son univers. Ce deuxième volume se permet lui de naviguer librement dans ces eaux, troubles certes, mais à présent balisées, connues du lecteur. La narration se fait alors à la fois plus inventive et plus décalée.
Plus inventive en ce qu’elle semble désormais essentiellement reposer sur l’action in medias res, l’allusion, l’ellipse, le soudain flashback, le quiproquo, le sous-entendu… Bref, sur une savante construction visant à créer le mystère autour de situations sinon relativement simples, pour susciter l’impression d’une perte de repères dès le début de chaque histoire.
Car il ne s’agit pas là de grands complots, d’enquêtes au sommet, de vastes aventures. Mais de la vie d’un détective le plus souvent aux prises avec de petits malfrats ou des particuliers aux aspirations médiocrement scabreuses.
Et c’est ainsi que, par un jeu sur la chronique dispersée plutôt que sur l’intrigue suivie, l’ambiance, noire à souhait, se trouve installée. Cependant balancée, ou plutôt complétée, par une science du décalage que fourbit Fukamachi au gré de ses pérégrinations, malgré les déboires et revers subis.
Les circonstances construisant l’action se révèlent d’ailleurs souvent résolument cocasses : un tel décide de tuer notre héros parce qu’il a qualifié de « truie » une jeune starlette ; tel autre l’engage pour le faire jouer dans un snuff-movie, tournage en conditions réelles dont il échappera – miracle ! – grâce à la bénédiction de la dive bouteille.
Trouble is my Business ne se prive pas de verser dans un grand n’importe quoi pleinement jubilatoire, témoignant d’un burlesque construit autour de son héros. Le manga de Sekikawa et Tanigushi joue habilement des codes du roman noir et inscrit Fukamachi dans la tradition de ces privés qui ne se départissent jamais de leur flegme, conférant une forme de second degré à toute trame posée.
L’édition de Kana propose ces enquêtes une nouvelle fois encadrées par deux documents intéressants. Une préface par Arnaud Bordas, du Figaro Magazine, sur les classiques du roman et du film noirs, américains et japonais, auxquels emprunte Trouble is my Business. Et une postface qui reprend à nouveau un extrait des textes de Sekikawa décrivant, de manière distanciée et amusée, le contexte qui a vu naître le manga.
(par Aurélien Pigeat)
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