Les lecteurs de BD oublient souvent l’histoire, surtout quand les propagandistes d’une quelconque nouvelle bande dessinée tentent de leur faire accroire que seule une certaine catégorie du 9e art est capable de faire bouger les lignes de la créativité.
La bande dessinée belge ne les a pas attendus pour se rendre compte que le modèle élaboré avec succès dans les années 1950 et qui triomphe dans les années 1970-1980 risque d’être frappé d’obsolescence, que l’on ne gagne rien à cloner indéfiniment Franquin, Jacobs ou Hergé. Surtout, une jeune génération (et pas seulement elle : quelques grands anciens aussi, Franquin le premier) se rend compte qu’elle aura du mal à croître sous de tels monuments s’ils ne cherchaient pas leur voie ailleurs.
Hislaire à été parmi les premiers à opérer cette métamorphose. En feuilletant les premières planches de Bidouille & Violette, on voit bien d’où il vient : d’une tradition de trait héritière de Franquin, de Peyo, de Will et de Roba, déjà modernisée par Walthéry et Wasterlain. C’est clairement de la matrice de ce dernier qu’est issu le dessin d’Hislaire pour Bidouille & Violette mais il s’en écarte bientôt pour trouver sa propre voie, comme d’autres auteurs de sa génération : Geerts, Frank Pé, Darasse, Bosse...
Une voie laborieuse qui passe par un travail de stylisation où le sentiment et la poésie ont libre court mais où le doute s’insinue de façon d’autant plus pernicieuse que du côté des éditeurs du Journal de Spirou, on a perdu tous les repères. Les éditions Dupuis, et on les comprend, veulent perpétuer le succès des Schtroumpfs qui vivent dans ces années-là un succès triomphal ou encore celui des autres grands auteurs de la maison. Ils ne voyaient pas bien comment, de cette histoire aux apparences un peu mièvres, à la stylisation exacerbée, ils pouvaient tirer un gros succès commercial dont on pourrait décliner des peluches et des programmes TV. Ils ne savaient pas encore que la bande dessinée allait toucher un public féminin de plus en plus important, notamment avec les mangas Shôjô. Quel manque de clairvoyance !
Aussi incertain de sa séduction que son héros, Hislaire quitta Dupuis, Bidouille & Violette, et le dessin humoristique pour aller chez Glénat, avec une série réaliste et avec une histoire d’amour nettement plus adulte : Sambre. Mais cela, c’est une autre histoire...
En attendant, retrouvez ces pages, excellemment éditées par Glénat dans une intégrale qui comporte bon nombre d’inédits, pour constater qu’elles n’ont aucunement vieilli. C’est que la passion du dessin, comme l’amour, est éternel.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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