On peut lire cette remarque sur les réseaux sociaux alors que le Festival International de la BD dévoilait l’affiche de son Grand Prix : « - Où sont les nichons ? Remboursez ! »
Car l’affiche est extrêmement sage : on y voit un enfant, certes un peu habité et morbide, qui lit une publication des EC Comics : Tales of the Crypt… On est bien loin des personnages hypersexués qui nous avaient fait découvrir Corben dans Métal Hurlant. On a dû briefer l’artiste, l’informer d’une possible censure de ce genre de dessin dans le métro parisien, ce qui a évité l’impair de cette année où Crumb avait remis une création tellement problématique que cette année-là l’affiche d’Angoulême était une simple composition attractive comme un faire-part de décès...
Cette belle image annonce une exposition exceptionnelle de l’artiste à Angoulême qui, en dépit du départ de Gaëtan Akyüz chez Casterman qui reprend le poste de Martin Zeller passé chez Albin Michel (qui s’apprête, apprend-on, à relancer un département BD…), devrait nous montrer les plus beaux originaux de cet artiste qui a marqué les années 1980 et au-delà.
Au passage, l’éditeur français de Corben, Laurent Lerner, le patron des éditions Delirium, qui œuvre pour l’Américain depuis plusieurs années (avec sept titres au compteur désormais), publie un nouvel album qui en cache deux en fait, publiés en tête-bêche.
Acide et décalé
Sur la première face, Grave : Les Contes du cimetière, qui fait précisément référence à la littérature que chérissait Corben lorsqu’il était enfant : Tales of the Crypt, mais aussi pour les titres de la Warren pour qui il travailla plus tard (ces travaux sont publiés en deux volumes aux éditions Delirium) : Creepy et Eerie. Au sommaire de Grave (du titre original : Shadows of the Grave, les ombres de la tombe), ces courtes histoires de terreur publiée entre décembre 2016 et septembre 2017 aux États-Unis en huit fascicules de 32 pages où Corben déploie toute sa démesure mais aussi son humour acide et décalé.
Sur l’autre face, l’épopée complète de Denaeus, où l’on retrouve le Corben classique de Den fasciné par les dieux de l’Olympe, dans un souffle épique et tragique.
L’ouvrage comporte ces magnifiques pages que Corben réussit si bien à l’aérographe, en noir et blanc, avec des niveaux de gris vertigineux, mais aussi des couleurs, qu’il rebidouille ensuite à la photogravure sortant les jaunes, les rouges et les bleus les plus acidulés de l’histoire de la bande dessinée. Époustouflant.
Avec des contenus rédactionnels additionnels : une interview de Richard Corben réalisée pour la sortie de la série aux États-Unis, et une introduction de son partenaire et scénariste Bruce Jones, comme lui amateur d’histoires d’horreur et en filles pulpeuses, ce volume s’agrémente d’un cahier couleurs avec de splendides couvertures. Un viatique de frissons pour attendre janvier !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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